A – La petite enfance :
a - Le développement naturel de la conscience et l' éducation :
Voyons maintenant comment s'établissent, au cours d'une vie humaine, ces interrelations dont nous avons vu qu'elles avaient abouti dans un premier temps à un équilibre.
Nous avons vu que
la conscience va se constituer à partir :
- d'une
perception sensible,
à l'origine de notre découverte personnelle du monde,
- qui va s'enrichir grâce à l'apprentissage social. C'est par lui que la société dans laquelle nous vivons nous fait partager sa vision du monde.
Cet apprentissage, nous l'avons vu précédemment, va nous doter d'une
perception intellectuelle du monde. Complémentaire de la perception sensible qui était tout à fait personnelle, elle va l'enrichir et la compléter.
Chaque enfant découvre alors qu'une rose est constituée d'une tige et d'une fleur, que les formes qui s'attachent à la tige sont les feuilles, et que la couronne colorée de la fleur est constituée de pétales.
Il va donc lui être possible de
communiquer à un autre,
par l'intermédiaire du langage, ce qui attire son regard.
Mais le langage ne reproduit pas aussi fidèlement l'objet que sa perception directe :
la conscience qui en résulte n'est qu'un pâle reflet de la réalité.
Toutefois, ce qui aurait dû devenir un élargissement de la conscience va évoluer différemment.
Ce n'est la faute de personne... Nous l'avons vu,
le monde dans lequel nous vivons est soumis à des oscillations permanentes qui présentent deux phases : expansion et récession.
La lumière augmente le jour, elle disparaît la nuit. L'obscurité, pendant le même espace de temps, évolue en sens inverse.
De même chez les espèces animales : si la nourriture abonde, le prédateur va pulluler, et donc le gibier disparaître. Le prédateur va alors disparaître, et c'est son gibier qui va occuper le terrain... Jusqu'à ce que ce mécanisme s'inverse à nouveau..
La pensée humaine n'échappe pas à ce mécanisme général.
Revenons donc au développement de notre perception du monde!
Le petit d'homme récapitule, à l'état foetal, toutes les périodes de l'évolution des espèces.
Il est la graine qui se fixe sur le sol utérin,
Il forme sa racine pour s'installer sur ce sol. C'est là qu'il va puiser sa première nourriture.
Son organisme, au départ parasitaire, va progressivement développer et acquérir son autonomie avec l'acquisition d'un coeur, de poumons et d'un système nerveux,
jusqu'au jour où il va se détacher de sa tige pour devenir autonome.
Son développement extra utérin va se poursuivre avec le bagage que lui a donné dame Nature (capacité de ressentir et réagir) sans avoir toutefois la capacité d'action motrice qui, chez des espèces plus primitives, donne au petit l'autonomie dès l'éclosion de l'oeuf.
C'est, paradoxalement,
cette incapacité du petit d'homme à agir immédiatement par lui-même,
qui va lui donner le temps d'apprendre.
Apprendre tout d'abord par l'
observation,
puis par l'
imitation.
Ainsi l'apprentissage de la vie commence-t-il à partir de tous les éléments fixés par notre patrimoine génétique.
De la conception à l'enfance, notre inconscient possède déjà toutes les capacités qui vont nous permettre de découvrir notre environnement.
La naissance marque donc la sortie du monde de l'ombre, et l'entrée dans le monde de la lumière.
La période qui va suivre est marquée par la découverte des images qui vont donner une consistance à ses premières perceptions. Cette découverte du monde extérieur va s'exprimer par les émotions et la spontanéité.
L'
instinct et la spontanéité vont dominer durant cette période!
Nous constatons alors que
ce qui a été appelé « inconscient » est en réalité cette
première intelligence qui s'est avérée
capable de prendre conscience de l'environnement.
Mais ce développement va avoir des limites.
b - La période intermédiaire - Le début du déséquilibre:
Survient alors une période de transition où l'éducation scolaire va compléter l'éducation familiale.
Cette période, qui est celle où l'on va apprendre à communiquer avec un environnement plus large, pourrait être celle d'un élargissement de la conscience, mais il va être freiné par l'acquisition d'automatismes indépendants de la vraie vie.
Cette éducation va imposer la vision du groupe et parfois
oublier le développement de l'individualité.
Et alors que l'animal utilise ses propres réflexes pour s'adapter à la vie, l'homme va choisir une autre option : s'extraire de la vie pour s'en protéger.
Rien n'est parfait dans ce bas monde!...
Ainsi l'éducation au monde social, forte de contraintes qu'elle va imposer, commence au moment même où le jour nous éveille.
Je suis fatigué? Le réveil sonne... C'est l'heure de faire comme tout le monde.
J'ai faim? Tant mieux! parce que si je n'ai pas faim le programme demeure identique...
"Vite! C'est l'heure du déjeuner, après il faut partir à l'école...
Toute la journée va se développer sur ce modèle qui nie la conscience de soi.
- L'heure de l'école
- Le bonjour à la maîtresse, même si à ce instant on a un gros chagrin et que ce n'est vraiment pas notre souci majeur...
- L'heure de la récré... Oust! Dehors! J'aurais pourtant préféré rester sommeiller sur mon bureau...
- L'heure de manger
- L'heure de la sonnerie de fin d'école...
- L'heure des embouteillages pour rentrer à la maison, mais avant il faudra passer par le magasin pour trouver un vêtement plus présentable (présentable pour les autres, bien évidemment)...
- L'heure des devoirs
- ...L'heure du repas
- ...L'heure du dodo!...
Au fait! Quel temps faisait-il aujourd'hui?...
Y avait-il des lapins sur le court de tennis près duquel nous sommes passés en allant à l'école ?
(ça, c'est un petit clin d'oeil aux trois lapins curieux qui viennent d'investir le court de tennis sous ma fenêtre!)...
Il n'est certes pas question ici de dénigrer le rôle de l'éducation et de la rendre responsable des malheurs qui surgiront ultérieurement.... Que deviendrait l'individu sans elle?...
Il serait assis sur le sol, regardant les sauterelles à ses pieds sans rien connaître d'elles.
Pas de télévision pour visiter l'univers à peu de frais.
On peut d'ailleurs imaginer le nombre de
milliers d'années qu'il faudrait à une personne seule pour fabriquer un micro ordinateur...
Il lui faudrait fondre le sable et en extraire la silice, puis inventer et construire le micro processeur, extraire le pétrole et, après invention de la matière plastique, créer les outils pour en faire le boîtier, trouver des mines d'or et de cuivre et extraire les métaux précieux nécessaires aux circuits imprimés...
Mais avant tout cela, il lui faudrait inventer les mathématiques, découvrir l'atome, le fonctionnement des électrons, et imaginer le système de calcul binaire...
Sans oublier qu'une partie du temps serait occupé à chercher de la nourriture...
Voilà donc que cette société, que nous sommes prêt à vilipender, nous offre, contre une
cinquantaine d'heures de travail, un ordinateur qui nous permet, sans bouger de notre siège, de découvrir le monde, communiquer, acheter, apprendre... et rencontrer quiconque sur cette bonne vieille Terre.
Magique!...
Décidément,
l'éducation, tout en restreignant notre liberté de individuelle, apporte de réels
avantages, et nous aurions bien tort de nous en passer totalement, même si nous avons été capables d'en discerner les aspects négatifs,
Mais revenons à cette période intermédiaire qui se fixera à l'âge adulte.
Dans cet intervalle une
phase de révolte va survenir : celle de l'adolescence, l'âge où l'on refuse l'ordre imposé, parce qu'on sent qu'il existe autre chose que le monde des adultes.
C'est cette réaction qui montre que
le fonctionnement social heurte un autre fonctionnement intérieur. L'accord n'existe plus.
Les combats intérieurs de l'adolescence font fi de toute rationalité, peuvent être violents et même aller parfois jusqu'à ressembler à ce que l'on appelle le terrorisme.
D'un côté la
raison sociale tente d'imposer sa vision,
De l'autre, quelque chose qui est en train de disparaître dans le monde "non-conscient" de l'adolescent tente de survivre.
Le combat, dans lequel aucune partie ne veut céder et où toute l'énergie est engloutie, est sans merci.
Car il s'agit, pour la raison, de
maîtriser définitivement les instincts qui refusent toute contrainte. Quant à l'inconscient fait de tout ce qui est réprimé, il s'agit, pour lui, de
survivre, même si le prix à payer est de détruire ce qui l'opprime.
A quoi bon vivre, en effet, s'il est impossible de vivre sa propre vie? Et quand le désespoir survient, la maladie et le suicide peuvent clore le combat.
L'instinct et la spontanéité vont s'effacer sous la pression sociale, mais ils ne renonceront jamais sans combattre.
B – L'âge adulte :
Dans le meilleur des cas sociaux possible, cette flambée de violence va s'éteindre.
L'âge adulte commence.
Le monde de la vie et de la spontanéité a vécu.
Commence l'ère de la
soumission à l'ordre voulu par la société.
La raison a vaincu!
L'inconscient sensible qui s'était révolté semble s'apaiser...
Mais non!... Nous découvrirons bientôt à nos dépens qu'il ne s'apaisera jamais!...
Il s'est seulement effacé, épuisé par la lutte, mais
il attend son heure.
L'individualisme s'efface et accepte les règles nécessitées par la vie en société.
[*]
Tiens ! A propos d'heure... Voyons en image le programme de vie de cette fameuse conscience rationnelle que l'on a considéré jusqu'ici comme étant la seule conscience?
Peut-on alors décemment appeler "conscience" une forme de pensée dont la fonction principale est d'avoir occulté le monde réel? le monde de la vie?
Tout comme la richesse de la condition humaine est liée au dialogue et à l'échange,
la conscience est constituée par le
dialogue entre rationalité et sensibilité.
Il va de soi que la disparition de la sensibilité
entraîne de fait
la dégradation de la conscience. C'est cette partie effacée, mais pourtant toujours présente que Freud a désignée sous le terme d'inconscient.
Ce sont ces deux parties qui se bousculeront tout au long de notre vie : l'une bien installée, appelée "Conscience" car
apparemment consciente du monde, et l'autre que Freud a désignée sous le terme d'"Inconscient", et qui nous
révèle son existence par des
pulsions irraisonnées ou dans nos
rêves en dévoilant nos désirs et nos peurs.
Tout comme nous avons vu comment avait évolué la conscience dans la petite enfance, son extinction se fait dans la même continuité :
La rose était un élément naturel, elle devient un objet utilitaire.
Nous allons nous retrouver ainsi avec
deux composantes dont la position semble fixée irrémédiablement :
-
la raison liée à l'apprentissage et aux nécessités de la vie du groupe (je suis fatigué, mais je ne peux interrompre la chaîne de montage !)
- et
la sensibilité qui va devenir une réelle inconnue.
Pourrait alors survenir une troisième période.
Mais, avant de l'étudier, il va nous falloir bien saisir le devenir de la deuxième période qui peut se présenter sous deux aspects : la rébellion et la soumission.
La rébellion n'est que le prolongement de la petite enfance où règnent la spontanéité et le refus des contraintes.
Cette période va aboutir, dans le pire des cas, au comportement de l'adulte qui veut faire absolument tout ce qu'il veut !... S'il a envie de traverser le boulevard alors que les feux sont au vert, il le fait!
Ou encore il fera sa pause alors que la chaîne de montage est en train de tourner!...
à quoi bon ces règles coercitives qu'il juge inutiles ?
Ainsi, dans le meilleur des cas, l'enfant deviendra un adulte
livré à ses envies...
Il lui semblera être libre comme l'air, mais, comme il ne vit plus dans un monde où il suffit de se baisser pour ramasser une pomme tombée de l'arbre,
il n'aura pas les moyens de sa liberté.
La soumission sera le deuxième aspect envisagé.
Admettons maintenant que l'adulte en devenir ait compris l'intérêt du monde social, et même trop bien compris !
Nous avons déjà vu comment se déroule une journée bien programmée, et nous pouvons imaginer que tous les jours de la semaine seront identiques.
Si notre adulte s'intéresse à son corps, il va s'apercevoir qu'il est assis au petit déjeuner, en voiture, au travail, pour le repas de midi, celui du soir, devant la TV...
Durant tout ce temps sa colonne vertébrale ne bouge pas.
Entre toutes ces activités, il est debout et sa colonne demeure toujours fixe. La nuit, allongé, elle est tout aussi immobile... Petit à petit elle va s'enraidir, se figer...
(La plupart du temps immobile, la colonne vertébrale s'ankylose...)
Il est bien fini, le temps où il fallait se baisser pour ramasser un radis, grimper sur l'arbre pour récolter les fruits, ou ramper à l'affût du gibier.
(Récolte, cueillette, chasse, la colonne bouge ...) |
|
Que devient alors cet adulte raisonnable ?
Que reste-t-il de la vie dont il ne sait pas profiter ?
Elle le mène à la sclérose...
Cet adulte
a les moyens de sa liberté, mais
il a perdu la capacité de la vivre.
Ainsi l'âge adulte, marqué par la seule conscience rationnelle, souffre de l'immobilisme et de la reproduction permanente des mêmes erreurs, avec l'accroissement de leurs conséquences.
C – Et la 3ème période de la vie, celle de la prise de conscience, vous interrogerez-vous ?
Eh bien c'est celle qui pourrait bien ne jamais survenir, car pour l'atteindre,
nous devons prendre en compte nos erreurs et les corriger.
En effet, aucune des deux périodes précédentes ne possède le privilège de détenir l'intégralité de la conscience.
Ne pas quitter l'enfance? C'est le retour à l'état sauvage dans un monde où la vie naturelle s'est éteinte.
S'installer dans l'âge adulte? C'est la sclérose! Tout en sachant ce qu'il faudrait faire, nous sommes incapables de le mettre en pratique.
Nous avons vu que c'est le fonctionnement rationnel qui est à l'origine de cette partition :
la raison exclut une partie des connaissances issues de la perception sensible, et elle les loge dans l'"inconscient" (ce dont
elle ne veut pas prendre conscience)
Ce fonctionnement rationnel s'exprime dans la vie sociale :
- sous une
dictature, le souverain gardera les richesses et en exclura son peuple...
- dans une
démocratie, le pouvoir se partagera entre droite et gauche, chacun défendant une idée lorsqu'il est au pouvoir, et son contraire lorsqu'il est dans l'opposition...
- si l'état est
conquérant, la colonisation niera l'existence des peuples qui préexistaient dans ces lieux.
- d'une façon générale, l'être humain, se comportera avec la "conscience" d'un virus, se développant et exploitant son support jusqu'à le détruire, et envisageant déjà d'infecter d'autres mondes.
Quant à la troisième période, que nous aborderons bientôt, elle est étroitement
liée au mécanisme du rêve et, pour cette raison, il est possible qu'on ne l'atteigne jamais!...
Ne passons nous pas notre temps à
oublier nos rêves nocturnes, tout comme socialement nous avons déjà occulté les conséquences du naufrage du
Torrey Canyon, la pollution du
delta du Niger ou celle du
golfe du Mexique, ou les causes des crises économiques de
1929 et
2009?
Or pour accéder à cette troisième période,
il est nécessaire d'accéder à cette partie de la conscience que nous avons occulté, et donc
à cette forme de pensée qui est à l'origine de nos rêves.
C'est grâce à elle qu'il nous sera possible de
comprendre nos rêves, et grâce à elle qu'il sera possible de corriger les errements du passé.
Que retenir ?
-
Première période - La petite enfance :
C'est la période
"ego"iste, où le comportement ne dépend que de soi...
L'instinct et la spontanéité voilà ce qui domine durant cette période. Toutefois, une
ébauche de vie sociale va se mettre en place au sein de la famille.
La conscience individuelle débouche, au sein du groupe familial, sur la conscience sociale.
Les deux vont se développer conjointement.
Cette période d'ouverture à la vie va se prolonger dans l'adolescence.
-
La transition de l'adolescence :
L'adolescent va s'ouvrir à la vie du groupe qui ne devrait pas, pour son équilibre personnel, porter atteinte à son individualité.
Sa conscience va alors se développer suivant
deux directions complémentaires, mais ce n'est pas toujours le cas.
Développement complémentaire des consciences individuelle et sociale.
-
Deuxième période - L' âge adulte :
En raison de cette restriction, l'âge adulte va se présenter sous deux aspects très différents.
Si l'adolescent
a su résister au développement de la raison, son enfance libre va pouvoir se poursuivre indéfiniment, mais ses poches demeureront désespérément vides.
Mais
s'il s'est laissé subjuguer par la raison sociale ne va-t-il pas aboutir à la sclérose ?
D'une façon générale, cette seconde période sera une période
"altru"iste, où le comportement ne dépend que des autres.
Comment atteindre la troisième période ?
Il faut pour cela
maintenir l'équilibre de la petite enfance : un développement s'épanouissant sur deux axes complémentaires, sans privilégier l'un ou l'autre !