Toutes ces découvertes avaient pu nous laisser croire qu'on avait enfin localisé la conscience dans le cerveau, mais les progrès permis par la science nous montrent aujourd'hui que la conscience est un phénomène complexe, issu des interactions entre plusieurs régions cérébrales. Il semblerait donc difficile de trouver dans notre cerveau « le » lieu privilégié où elle siègerait.
Que pouvons-nous alors extraire de la multitude d'informations parfois disparates, parfois contradictoires, dont nous disposons aujourd'hui ?
Les régions frontales :
Lorsque nous nous sommes intéressés à l'activité du cerveau, nous avons vu que le travail de reconnaissance par les zones de la perception est le premier temps de la prise de conscience, avant que, dans un deuxième temps, les régions frontales ne traitent l'information délivrée
(cf : Un réseau de la conscience).
Nous avons pu voir également que la conscience qui en résulte n'est pas active durant le sommeil. Serait-il nécessaire qu'elle s'efface momentanément pour que d'autres fonctionnements puissent (comme nous le verrons dans le cas du sommeil paradoxal) s'exprimer à nouveau ?
1 – L'apparition de la conscience sociale :
A– Que sait-on aujourd'hui des fonctions du cortex frontal ?
Le premier élément tangible que nous ont permis de découvrir les chercheurs est que le réseau neuronal à l'origine de notre conscience humaine
passe par le cortex fronto pariétal. Il est donc nécessaire de comprendre son fonctionnement.
Nous avons vu, dans le chapitre précédent, qu'un certain nombre de questions se posait
(Le travail de la conscience) et, en particulier : pourquoi ce transit par les zones frontales ?
Pourquoi tant de travail, tant de temps pour ne retenir qu'une partie de ces perceptions qui nous sollicitent continuellement ?
Au début des années 1950, le médecin et neurobiologiste américain
Paul Mac Lean nous avait proposé la théorie des trois cerveaux apparus successivement au cours de l'évolution.
Il distinguait :
-
un cerveau reptilien responsable de comportements primitifs liés surtout à la survie (nutrition et reproductions).
-
un cerveau limbique [*] regroupant d'autres structures qui jouent un rôle très important dans le comportement émotionnel (plaisir, peur...). « Centre des émotions », il est aussi considéré comme le siège des comportements de maternage qui préparent à la vie communautaire.
-
un néocortex, siège des activités cognitives les plus élaborées, recouvrant les deux hémisphères cérébraux.
Pour Paul Mac Lean, ces trois régions se comportaient en rivales, chacune ayant tendance à vouloir s'imposer aux deux autres.
Cette approche ne correspond plus aujourd'hui aux avancées permises par les neurosciences. En effet, au fil de l'évolution, le cerveau n'a pas ajouté de nouvelles structures, il s'est contenté de développer celles qui existaient précédemment en orientant différemment leur fonctionnement. Ainsi, le système limbique inclut des régions situées dans le tronc cérébral et participe à des activités cognitives supérieures par le biais de régions telles que l'hippocampe (siège de l'apprentissage et de la mémorisation).
Chaque espèce développe,
en fonction de ses besoins, les structures déjà existantes nécessaires pour mieux s'adapter à son milieu. C'est donc
l'organisation fonctionnelle des neurones préexistants et non leur organisation structurelle
qui a permis le développement des particularités adaptatives. (Nous pouvons observer ce changement de destination des neurones de la vision devenus inutiles chez un aveugle de naissance : son cortex visuel, qui n'a jamais reçu d'information en provenance des yeux s'est réorienté vers la reconnaissance des formes par le toucher- c'est ce que l'on appelle la
neuroplasticité).
Malgré cette restriction, l'exploitation du modèle de Paul Mac Lean présente un avantage indéniable, car il permet de comprendre la complexité des comportementsde l'homme, écartelé entre des tendances aussi contradictoires que ses
réactions instinctives, émotionnelles et rationnelles.
La découverte des principales fonctions du cortex frontal, siège de la pensée abstraite et du contrôle du comportement revient au neurologue et psychologue russe
Alexandre Romanovitch Louria.
Le cortex préfrontal est impliqué dans toutes les activités de la vie quotidienne, physiques ou intellectuelles, qui nécessitent la mise en place de l'attention et, par conséquence, la mise à l'écart de toute autre information.
C'est lui qui fait les choix les plus pertinents pour nous permettre d'agir sur notre environnement.
On associe actuellement ce rôle de contrôle volontaire du comportement avec inhibition des actions non pertinentes à une région située en avant des aires motrices, le «
cortex moteur supplémentaire ».
Cette capacité de planification va nous permettre de décider de nos actes en tenant compte de nouveaux paramètres : par exemple, ne pas boire d'alcool avant de prendre le volant.
Ainsi, «
aller boire un verre » relève du cortex moteur supplémentaire, mais la succession des actions qui la composent : «
se diriger vers le débit de boissons, s'asseoir, commander un verre puis le boire » relève du cortex moteur.
C'est le cortex moteur qui gère les paramètres les plus concrets de l'action. Le cortex moteur supplémentaire, et d'autres régions plus antérieures, interviennent lorsqu'il s'agit de prendre en compte des
situations plus larges (et, par là même, moins précises), faisant appel à la mémoire qu'a acquis le sujet d'expériences similaires.
Les chercheurs ont ainsi pu proposer l'existence d'un
degré d'abstraction qui augmente de l'arrière vers l'avant de notre cerveau, c'est-à-dire du cortex moteur vers la région la plus antérieure.
Toutefois, et cela peut sembler paradoxal, alors même que le cortex préfrontal semble
dédié aux actions globales,
il rétrécit le champ de la perception par le biais de l'attention.
On sait également qu'il joue un rôle majeur dans le contrôle du comportement : on peut en effet constater que les automatismes reprennent le dessus dès que ce contrôle se relâche sous l'effet de déséquilibres passagers (fatigue, stress...) ou durables (lésions du lobe frontal).
Ainsi, le lobe frontal apparaît-il comme le siège des conduites d'
anticipation et de
planification de nos actes.
On comprend alors que ce lobe frontal, siège du contrôle du comportement, doive assurer pour celà le contrôle et la régulation des émotions.
« Le cortex frontal traite préalablement toutes nos actions de manière abstraite »
B – Place du cortex fronto pariétal dans le fonctionnement général du cerveau :
a - Cortex frontal et focalisation :
Nous avons vu
[cf : réseau de la conscience] que la prise de conscience visuelle est liée à une activité du cerveau qui transite, à partir des zones de la perception occipitale, vers le cortex frontal.
Ce processus se déroule en deux temps :
- Les régions fronto pariétales entrent en action pour traiter l'information afin que celle-ci devienne consciente. C'est le résultat de ce traitement qui sera communiqué au chercheur qui mène l'expérience.
- au cours de ce travail qui dure environ 300ms, l'activité des aires de la perception n'est plus prise en compte.
Quelles que soient les circonstances, les zones frontales qui analysent et anticipent l'action ne peuvent traiter deux informations simultanément.
Le visiteur qui frappe à la porte ne peut être entendu.
C'est à cette partie de l'activité de la conscience que nous allons nous intéresser : celle qui,
en focalisant l'attention,
empêche de percevoir toute autre information.
Cette focalisation apparaît régulièrement sans que nous en ayons conscience : Regardons par exemple ce tableau : nous allons y voir un personnage.
Mais si quelqu'un nous incite à porter plus d'attention au tableau, nous discernons un autre personnage inclus dans le premier : notre conscience vient d'accéder à une autre capacité.
Nous ne pouvons discerner les deux personnages simultanément.
Cela révèle l'incapacité de notre conscience à tout voir : en effet, la conscience frontale cesse généralement son investigation dès qu'elle a trouvé une réponse satisfaisante. Mais l'intervention d'une information extérieure peut élargir le champ de notre perception consciente.
L'image qui représente un vase constitué de deux silhouettes de profil permet une autre constatation : notre vision est attirée soit par le côté statique du vase ou le côté vivant des personnages en face à face. |
|
Nous allons donc devoir examiner les raisons qui orientent l'une ou l'autre vision, à défaut d'avoir orienté notre choix.
« Lorsque notre cortex fronto pariétal travaille,
rien d’autre ne lui est accessible que l’information qu’il est en train de traiter.
Bien souvent, son travail cesse lorsqu’il a trouvé une réponse satisfaisante à ses interrogations »
b - Cortex frontal et règles :
Dans l'expérience considérée, nous avons appris que 270ms est le temps nécessaire pour que commence une autre prise de conscience. Pour atteindre ce résultat, de nombreux
filtres ont été utilisés. En particulier, le chercheur a imposé une
règle : le sujet doit rechercher des suites de lettres bien précises (OXXO et XOOX).
Ainsi, si notre cerveau peut prendre conscience des informations en provenance de nos organes sensoriels, il a la particularité d'exclure ces mêmes informations
lorsqu'il s'agit de tenir compte d'injonctions extérieures.
Notre perception n'est pas sélective, mais une injonction extérieure oriente son choix et l'amène à réduire sa capacité.
En décidant des informations à sélectionner, notre cerveau va alors ignorer notre conscience instantanée et les aires sensorielles qui en dépendent.
On peut alors émettre l'idée que le traitement d'analyse des informations, peut provoquer une
incapacité temporaire à percevoir le monde extérieur ainsi que son propre corps.
Nous avons d'ailleurs pu voir
(L'effacement de la conscience), que le premier processus de prise de conscience consiste à reconnaître ce qui est. Mais quand l'attention est portée vers un objet différent (ce qui constitue un deuxième processus de prise de conscience), le premier processus est écarté et va constituer ce qui est appelé l'inconscient.
«Le cortex frontal est une zone de tri des informations,
conformément à des règles.»
c - Cortex frontal et traitement des symboles :
Si l'on compare le travail du cerveau au cours de cette expérience et les réactions extrêmement rapides chez les humains en situation de danger, on constate l'existence de deux circuits de la pensée qui se complètent : un circuit court passant directement « des zones de la perception » à la réaction (fig114), et un circuit long qui intègre le cortex fronto pariétal ainsi que les zones du langage (fig115).
Dans ce cas de figure, le travail abstrait de recherche de suites de signes liés au langage peut masquer les autres perceptions.
On peut également supposer que les suites de symboles à décrypter activent les régions frontales parce que ce sont elles qui ont pour mission de traiter les informations abstraites.
Considérée comme réflexe, la conscience réactive s'attache aux informations perçues.
Une autre forme de conscience, abstraite celle-là, s'attache aux informations demandées. Elle est indissociable du langage.
Le réseau d'activations étudié mettrait donc en évidence un aspect particulier de la conscience, à savoir une activité capable de gérer les symboles, et mettant en jeu :
- la capacité du sujet à
comprendre et à maîtriser
le langage,
- la
mémorisation des consignes données par le chercheur,
- la réorientation de l'attention afin de mobiliser les zones de travail
spécifiquement sollicitées par l'expérience.
On observe ainsi un cerveau à deux niveaux, avec
une pensée qui perçoit son environnement et agit en fonction de critères individuels, et
une pensée rationnelle qui va sélectionner les informations reçues lors d'un apprentissage préalable.
« Deux modalités de l'expression de la conscience semblent être en concurrence.
L'une observe et informe en vue d'une action,
et l'autre ajuste la réaction en fonction de critères dépendants d'une influence extérieure »
d - Cortex frontal et transmission de l'information :
Tout comportement est soumis à certaines règles, mais les règles individuelles
qui assurent notre survie sont fondamentalement différentes des règles
liées au groupe.
Chez l’animal, la règle est une conséquence de l’expérience acquise (l'expérience acquise par une antilope qui se sera confrontée à une lionne entraînera une règle incontournable : une confortable distance doit être respectée !). Mais elle est également une conséquence de l'expérience transmise par le groupe.
Comment se fait cette transmission ?
-
Chez l’animal :
Observons ce qui se passe chez le singe qui ne possède pas un langage aussi élaboré que le nôtre.
Sabrina Krief, vétérinaire primatologue et maître de conférence au Muséum National d'Histoire Naturelle a observé que les chimpanzés du Parc National de Kibale en Ouganda savent utiliser certaines
plantes médicinales pour soigner des troubles qui les affectent, comme les troubles digestifs ou le paludisme.
Il y aurait là une part d’apprentissage lié à la vie en communauté (les jeunes observant plus attentivement les adultes lorsque ces derniers consomment des plantes médicinales que lorsqu'ils absorbent les aliments habituels).
Le premier langage qui permettrait
la prise de conscience et l’utilisation des connaissances acquises serait donc le
langage des gestes. L’animal imite, comme le fait l’enfant.
Un autre exemple nous est fourni par les ethologues japonais de l’île de Koshima, qui ont assisté à l’
apparition et à la diffusion d'un nouveau comportement chez les macaques.
Dans cette île où ils sont étudiés depuis plus de 50 ans, les chercheurs avaient pris l'habitude de les attirer en leur déposant des patates douces sur la plage.
En 1953, l'un de ces chercheurs, Masao Kawai, observe un comportement inhabituel chez une jeune femelle nommée « Imo » : avant de manger sa patate,
elle la plonge dans l'eau douce puis la frotte pour en enlever le sable.
Un mois plus tard, l’un de ses compagnons fait comme elle.
En 1958, une dizaine de macaques lave leur nourriture et, en 1962, 36 singes de deux ans sur 46
ont adopté ce comportement.
Constater les avantages du comportement d'un congénère, et imiter celui-ci, peut donc amener à changer son propre comportement, et cela
en dehors de l'intervention du langage abstrait.
Ressentir est suffisant pour prendre conscience et apprendre.
Le langage ne semble donc pas nécessaire à la transmission de l'information : il suffit de voir, de s'intéresser à ce nouveau comportement, de l'imiter puis de l'adopter.
« L'animal peut avoir accès à la connaissance et à l'apprentissage en dehors du langage ».
-
Chez l’être humain :
Le cerveau humain se différencie de celui des autres primates par le
développement du cortex frontal dont les fonctions portent entre autres sur la planification, l'attention, et les fonctions exécutives.
Or, ce qui différencie avant tout le comportement humain de celui des autres primates est le développement extrême du langage et de la relation sociale.
Développement comparatif du cortex frontal au cours de l'évolution chez les primates.
1 -
L'utilisation des analogies :
L'importance de la
relation sociale apparaît très tôt dans le développement de l'enfant, aussi certaines zones de l'espace de travail conscient sont elles très vite fonctionnelles. Dès l'âge de
trois mois, le cortex préfrontal droit du bébé s'active
lorsqu'il entend parler.
Ces zones qui s'activent lors de la prise de conscience analysent donc des vocalises dont elles ne perçoivent pas encore le sens, mais dont elles peuvent sans doute
percevoir les composantes émotionnelles. Elles sont donc dédiées à la communication.
Cette étude permet d'affirmer que la conscience d'un environnement révélé par l'audition existe donc.
Cependant, si l'enfant s'intéresse aux sons qu'il entend, et qu'il y reconnaît sa langue maternelle, ne serait-ce ce pas qu'il possède déjà la capacité d'attention qui caractérise la prise de conscience ?
Ainsi
la conscience existerait-elle chez l'enfant
bien avant que les zones du langage élaboré ne lui permettent de communiquer ce qu'il a ressenti. Cette conscience qui ne s'exprime pas avec des mots, l'adulte l'appellera plus tard
intuition ou, dans certaines circonstances «
illumination ».
[voir "koan"].
C'est ce phénomène que nous retrouvons dans nos
rêves où nous observons et décryptons consciemment une action que nous serons
incapables de traduire en mots une fois réveillé.
Ainsi, la conscience semble-t-elle exister avant le langage.
Le bébé qui, par le biais des
neurones miroirs, est à même de ressentir les émotions exprimées par son entourage, ne connaît pas encore le langage... Il va devoir, en observant son interlocuteur,
apprendre à relier les mots qu'il entend avec les sentiments qu'il éprouve.
L'émotion ne créerait donc pas le langage,
elle le précèderait, et le cortex frontal du bébé ferait peu à peu le lien entre des sons incompréhensibles qui proviennent de son entourage et les émotions qu'il ressent grâce à sa
capacité d'empathie.
Le cortex préfrontal de l‘enfant utilise en effet
les analogies : « Si maman sourit, cela veut dire qu'elle m'aime car c'est ce que je ressens. Et si elle me dit « Je t'aime ! », cela veut dire que sourire et dire « je t'aime » expriment la même chose ».
L'enfant ressent que sa mère l'aime. |
Puis elle parle un langage qu'il ne comprend pas.
|
Enfin l'analogie s'établit entre les mots et l'expression maternelle. |
Pourtant, si le cortex préfrontal traduit les émotions, le langage qu'il commence à élaborer n'est pas indispensable pour les exprimer, puisque
les émotions n'ont pas besoin de mots pour être éprouvées.
D'autant plus que le mot, une fois prononcé, pourrait
atténuer la force de l'émotion si sa répétition en devenait mécanique.
Si les sentiments s'éveillent grâce à l'empathie, ils peuvent s'envoler avec les mots.
« Le cortex frontal droit de l'enfant traduit, par analogie, les sensations en mots. ».
2 -
Particularités de l'hémisphère droit :
C'est en faisant l'autopsie du cerveau d'un patient atteint de troubles du langage que le neurochirurgien français Paul Broca, en 1861, a constaté la présence de lésions dans son cortex frontal inférieur gauche. L'examen d'autres patients atteints du même mal lui a fait découvrir que le traitement du langage élaboré se faisait dans une
zone bien délimitée du cerveau.
A partir de là, les études ont permis de déterminer les fonctions de nombreuses autres régions cérébrales.
Plus tard,
Roger Wolcott Sperry (Prix Nobel de physiologie en 1981) et le neuropsychologue Michael Gazzaniga ont constaté, que les
hémisphères cérébraux pouvaient fonctionner comme
deux entités distinctes aux capacités complémentaires.
Utilisant des techniques qui permettaient d'isoler le travail de chacun des hémisphères - section du corps calleux ou
test de Wada, ils ont pu mettre en évidence qu'ils possédaient des
raisonnements distincts.
Toutefois, dans un cerveau sain, les deux hémisphères
collaborent pour la solution des problèmes.
D'une façon générale, on considère l'hémisphère
gauche comme étant plus
analytique et logique
- il fonctionne dans le détail pour élaborer des raisonnements plus complexes,
- il est impliqué dans la numération,
- le cortex auditif qui traite les sons liés au langage est plus développé à gauche qu'à droite,
- son mode de communication est verbal.
A l'inverse, l'hémisphère
droit est considérée comme plus
analogique et intuitif.
- il fonctionne dans la globalité,
- utilisant l'expérience et l'erreur, il aboutit à la déduction,
- les attitudes visuo spatiale sont plutôt de son domaine, de même que la perception des visages et l'audition de la musique,
- il traite préférentiellement l'image, et son mode de communication est non verbal.
L'hémisphère gauche du cerveau est donc dédié au langage, mais c'est l'hémisphère
droit qui s'active préférentiellement
chez le nouveau-né au moment où il étabkit une analogie entre ce qu'il entend et ce qu'il ressent. Pourquoi un tel phénomène ?
Encore une fois, c'est la pathologie qui nous a permis d'obtenir des réponses.
Lorsqu'un sujet est atteint d'une lésion de l'hémisphère droit, il conserve certes la parole, mais il se met à parler d'un
ton monocorde, sans accentuation ni intonation. Il
perd aussi la capacité de comprendre
l'humour verbal et les
métaphores.
La linguistique nous a appris que chaque mot est composé de deux facettes : le signifié et le signifiant.
Le
signifié correspondrait à la
réalité que l'enfant perçoit d'abord, le
signifiant correspondrait à la
désignation phonique de cette réalité
[*].
Chaque hémisphère cérébral se voit donc affecté à une tâche différente, l'hémisphère
droit à l'image, et le
gauche au mot.
La communication ne passe pas immédiatement par le langage. Elle se fait d'abord par l'entremise d'
éléments non verbaux : l'apparence vestimentaire, l'aspect physique, l'attitude. Toute une gestuelle va enrichir ensuite le dialogue, et ces composantes visuelles vont contribuer à la charge émotionnelle des paroles échangées.
Or, si notre hémisphère droit entend bien les sons, il attache plus d'importance à leurs
composantes émotionnelles qu'à leur sens. Il va
au-delà du sens littéral des mots.Il attache aussi de l'importance à ce que l'on appelle « la musique de la langue ». Elle est constituée par les changements de rythme et les intonations qui peuvent modifier le sens des mots. On peut dire ainsi que notre hémisphère
gauche s'intéresse à
ce qui est dit, et le
droit à la
façon dont c'est dit.
Notre cerveau droit sera donc à même de
comprendre une métaphore comme « elle a le coeur gros ! », alors que notre hémisphère gauche
prendra la phrase dans son sens littéral et imaginera une personne au coeur surdimensionné.
Si notre hémisphère droit saisit la métaphore et perçoit l'état d'esprit de la personne désignée,
l'hémisphère gauche prendra le sens au pied de la lettre.
Il est intéressant de constater ici que la recherche scientifique pourrait corroborer la
description Jungienne de la psyché humaine partagée entre deux entités, l'animus et l'anima, aux
capacités complémentaires mais le plus souvent
rivales.
3 -
Le passage de l'hémisphère droit au gauche :
Comment peut on imaginer ce passage de la perception des émotions à un langage qui en est dénué ?
L'observation du travail du cortex préfrontal droit de l'enfant qui entend parler montre que les interactions avec son environnement agissent progressivement sur le contenu de sa conscience. Or, le résultat de ces interactions va le diriger vers toujours
plus de règles et
moins de spontanéité.
Chez l'animal ou l'homme en milieu naturel, ces transformations se font également, mais elles se font dans le sens d'un meilleur
ajustement au réel. Dans nos sociétés modernes, l'ajustement se fait en fonction d'une
réalité proposée par la société dans laquelle évolue l'individu.
Le langage étant prépondérant dans les échanges humains, et le contexte social nécessitant de contrôler les élans spontanés, ce cortex frontal qui se contentait de traduire des émotions va devoir apprendre à les
réguler, puis à les
contrôler.
Nous avons vu d'autre part que le cortex frontal gère les actions abstraites : après avoir traité les images, il va aussi traiter les informations sonores qui les accompagnent et qui vont constituer le langage.
L'hémisphère droit montre ici sa capacité à gérer les images en relation avec le
système limbique. Etant le
premier à s'activer chez l'enfant, il va
conserver cette capacité.
Le développement du
langage va donc se faire dans une autre région du cerveau : l'hémisphère gauche où vont s'élaborer les raisonnements à partir de ce langage. On peut envisager la possibilité que ce développement se fasse au détriment d'autres aires, en particulier prémotrices [ voir :
aire de Broca].
On va également observer, toujours dans l'hémisphère gauche, la spécialisation des aires auditives, au détriment de l'écoute des sons de la nature.
Dans cet hémisphère gauche, une région est remarquable : au carrefour des cortex cortex auditif, visuel et somatosensoriel,
le lobule pariétal inférieur est doté de neurones capables de traiter simultanément des stimuli variés (auditif, visuel...). Il est, grâce à cela, capable de saisir les multiples caractéristique d'un mot (nom, apparence visuelle,sens...).
Permettant cette
communication sans implication émotionnelle, l'hémisphère gauche va s'imposer pour
faciliter les échanges au sein du groupe, et c'est grâce à lui que la règle édictée par l'autre pourra s'imposer. Nous retrouvons ici ce que nous avions évoqué dans le chapitre «
Du mythe au rêve / L'exode » : « ce que l'on ressent profondément ne peut s'exprimer avec des mots ».
En comprenant l'évolution qui se fait chez l'enfant qui aborde le langage, on saisit mieux alors les
différences de conscience qui peuvent exister entre un Indien des Amériques ou un Africain du XIXe siècle et la conscience de ceux qui vivent dans les sociétés industrielles.
Les premiers, intégrés dans leur environnement naturel, sont guidés par leur
perception sensible, les autres obéissent à leur
souci d'organisation.
Conscience immédiate dans les sociétés proches de la nature.
Conscience sociale et abstraite des sociétés industrialisées.
Le langage, qui ne semble pas indispensable à l'apprentissage de l'animal ou l'enfant,
le devient chez l'adulte. Ce passage du langage émotionnel au langage verbal est nécessaire en effet dans certaines situations : il n'est pas fait pour traduire les émotions, mais pour organiser les rapports humains. Ainsi, il est indispensable à l'organisation du travail dans un bureau même s'il ne l'est pas pour exprimer les sentiments à l'intérieur de l'équipe.
A un certain degré de développement, une société
ne peut échapper à l'élaboration de règles strictes nécessaires pour renforcer sa cohésion.
4 -
Sommeil paradoxal et langage :
S'il nous est difficile d'appréhender la conscience de l'animal et de l'enfant faute du langage qui leur permettrait le partage de cette expérience, peut-être pourrons-nous nous en faire une idée à la lumière du sommeil paradoxal.
Observons donc ce qui se passe lors du réveil qui suit une phase de sommeil paradoxal.
La
conscience au cours du rêve est très différente de la
conscience diurne qui fonctionne par rapport au présent, certes, mais aussi par rapport au passé et au futur. Souvenons-nous : le cortex préfrontal réduit son activité pendant le rêve
(Etats modifiés de la conscience / Sommeil lent et sommeil paradoxal), ce qui entraîne une
diminution de son contrôle sur le système limbique.
Au réveil, on constate que les rêve, vécus en pleine conscience nocturne, sont le plus souvent totalement occultés. Même si, au réveil, on en conserve un souvenir très clair, ils s'effacent généralement avec le retour des préoccupations rationnelles et, pour certains, dès que l'on tente de
mettre des mots sur les images : décrire des événements nocturnes est devenu impossible parcequ'une autre forme de conscience s'est mise en place.
Notre conscience émotionnelle vient d'être parasitée par notre conscience diurne et par les filtres que le langage lui impose.
Conscience par les images au cours du rêve.
Perte de la conscience du rêve
avec le retour de la conscience diurne liée au langage.
Or, nous avons vu précédemment, que le langage peut mettre en place des consignes (Cf Fig116) qui focalisent notre attention et empêchent la prise de conscience.
Tout se passe comme chez les sujets qui ont subi des lésions des zones de traitement du langage après un accident vasculaire cérébral : ils ont bien conscience de tout, mais sans pouvoir l'exprimer. Leur expérience
n'est pas transmissible.
|
Qu'advient-il de la mémoire émotionnelle lorsque le cortex frontal reprend son contrôle sur les émotions ?
Il suffit d'observer ce qui se passe au réveil : le souvenir du rêve est perdu. |
Si nous revenons maintenant à la période d'éveil qui suit le sommeil paradoxal, tout se passe comme si le langage ne pouvait décrire que l'un des deux aspects de notre conscience : celle du quotidien. C'est pour cela que le rêve est le plus souvent oublié.(Souvenons-nous : l'une des fonctions du cortex frontal est de contrôler, voire d'inhiber nos émotions : comment se souvenir alors de ce que l'on a
écarté a priori ? Il n'y a guère que les cauchemars qui nous laissent l'empreinte émotionnelle du rêve).
Il n'est pas question toutefois de parler de lésion des zones dédiées au langage.
La conscience rationnelle serait en relation avec l'hémisphère gauche,
le vécu émotionnel serait en relation avec l'hémisphère droit.
D'une manière générale, faute d'être compris, nos rêves nous
paraissent stupides.
La
conscience émotionnelle issue de nos perceptions est génératrice d'actes spontanés : elle apparaît très différente de la
conscience réfléchie qui ignore la plupart des informations en provenance de notre perception sensible.
Lorsque nous aborderons le langage des rêves , nous verrons qu'au cours du sommeil paradoxal, notre pensée primitive n'utilise pas de
langage verbal élaboré.
Elle crée seulement
un environnement qui va susciter des réactions sur lesquelles vont se superposer les réflexions du rêveur, mais celles-ci ont généralement peu d'impact sur le déroulement du rêve :
seuls les actes sont des réponses au déroulement de ce dernier.
On peut réagir spontanément au cours du rêve : éprouver peur, confiance...
Mais si notre rationalité persiste, nous ne réagirons pas, et si elle a appris à prendre le contrôle du rêve,
elle écartera les images en provenance de l'inconscient et écartera des informations qui auraient pu se révéler utiles.
A défaut de savoir exploiter nos émotions et les réactions qui en découlent, il est
bien souvent impossible de trouver une réponse à la situation vécue dans le rêve. Souvenons-nous du rêve des Chinois
(Développement des fonctions d'adaptation par les images du rêve) : ce rêve aurait pu se répéter durant des années si le rêveur s'en était tenu à ses connaissances acquises (« Il n'y a pas d'issue ! »).
Si la vie sociale nous a fait
oublier nos réactions instinctives, elle nous a
doté d'un moyen de communication : le langage. C'est grâce à lui que nous allons pouvoir, à notre réveil, communiquer à un interlocuteur le vécu de ce rêve dont nous étions parfaitement conscient, et les interrogations qu'il soulevait au réveil. Grâce au langage, nous acquerrons peut-être de nouvelles réponses.
Ainsi, ce qui est appelé aujourd'hui «conscience » intégrerait tout d'abord la capacité de
traduire en mots ce dont on a pris conscience.
« Même s'il participe du réseau de la conscience,
notre cortex frontal s'avère parfois incapable de conserver la conscience de la réalité émotionnelle
du sommeil paradoxal. »
5 -
La conscience sociale :
Qu'est-ce qui différentie le moment du rêve de celui du réveil ?
Nous avons vu qu'au cours du
sommeil paradoxal le cortex préfrontal réduit son activité (cf : Les états modifiés de la conscience), ce qui entraîne une diminution de son contrôle sur le cerveau limbique (Ce lâcher prise ne s'observe généralement à l'état d'éveil que dans des sociétés où l'homme est à l'écoute de la nature, ou dans les techniques méditatives).
Au réveil, le contrôle de soi indissociable du langage reprend le dessus.
Ainsi, si le besoin de repos peut influencer notre comportement, seul le langage est à même d'induire un contrôle contraignant : « il est l'heure de se lever! ».
Si, chez l'animal ou l'enfant, l'action passe avant la réflexion, chez l'adulte au sein du groupe, la réflexion va précéder l'action.
Chez l'homme, le langage a pris une importance prépondérante dans la communication, et il est devenu l'outil indispensable pour acquérir de nouvelles connaissances.
Pourtant, il peut revêtir un aspect pervers car il nous amène aussi à agir en fonction de ce que l'autre attend de nous, et nous oublions d'agir en fonction de ce que nous ressentons. |
|
Un autre aspect pervers est lié aux
incohérences qui peuvent exister entre
ce que l'on dit et ce que l'on fait.
Nous verrons d'ailleurs, en nous intéressant au développement de l'enfant, que ses connaissances sont d'abord déterminées par
l'exemple, c'est-à-dire par l'environnement immédiat.
La même incohérence existe entre le
discours qui a pour mission d'informer, et ce dont on fait l'
expérience au même instant : ne venons-nous pas d'échapper à une fin du monde pourtant affirmée avec conviction ?
Curieusement, les descriptions intuitives rapportées par certains mythes semblent avoir décrit ce passage d'un
langage universel et sensible, à un
langage qui se différencie et devient
source d'incompréhension (La Tour de Babel).
« La fonction cérébrale que nous reconnaissons comme étant " la conscience "
semble, chez l'homme adulte, indissociable du langage. »
C – D'une conscience à l'autre :
Ce que nous appelions jusqu'ici «
conscience » apparaît donc comme un
travail de traduction de toutes les informations qui parviennent à notre cortex frontal. Celui-ci ne favorisera chez l'homme moderne que les interprétations orientées vers la relation sociale. Quant à la richesse originelle de notre perception, elle sera ignorée par un cortex frontal plus adapté à l'organisation des rapports sociaux que par les relations humaines. C'est grâce à lui que peuvent être évités les
comportements anarchiques au sein du groupe ou de l‘espèce.
C'est ainsi que notre cortex frontal va nous
faitre passer des connaissances acquises par nos propres découvertes,
aux connaissances inculquées par le groupe.
Trois situations sont possibles :
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Conscience d’origine individuelle. Nous sommes à l'écoute de notre environnement. |
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Conscience d'origine collective. Elle peut élargir le champ de notre conscience.
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Ce passage devrait correspondre à un
élargissement de la conscience, mais il semble que ces acquisitions se fassent bien souvent
au détriment de la conscience individuelle.
La conscience d'origine collective peut mener à ignorer la conscience d'origine individuelle.
Ainsi, un chef d'état pourrait-il profiter des connaissance acquise grâce aux échecs de ses prédécesseurs ou de différents systèmes économiques (communisme au contrôle excessif, ou spéculation débridée) pour construire un système équilibré... Mais, rodé à l'exercice du seul langage, il lui sera bien souvent impossible d'effectuer cette prise de conscience.
L’abstrait domine le réel.
Il est donc primordial de ne pas perdre de vue qu'il existe en nous tout un monde de sensations occulté par ce que nous appelons notre conscience, celle-ci n'étant que
l'aspect social de la Conscience.
« La Conscience s'arrête là où commence notre conscience sociale »