L’activité électrique cérébrale recueillie par électro-encéphalographie (e.e.g.) montre deux rythmes différents au cours de l’éveil :
- une activité électrique intense lors de l’éveil actif (rythme Beta - 14 à 30 cycles par seconde),
- des ondes de plus grande amplitude durant les périodes de repos, les yeux fermés (rythme Alpha - 8 à 13 cycles par seconde).
L’éveil est le siège de la conscience, de la perception sensorielle et des activités orientées..
B – Le sommeil :
Inclus entre deux périodes d'éveil, le sommeil se caractérise de son côté par la perte de la conscience et une diminution du tonus musculaire. Toutefois, le sujet endormi conserve une part de ses perceptions sensorielles et de sa vigilance, le mettant ainsi à l’abri du danger.
L’électroencéphalogramme (e.e.g.) révèle des ondes plus amples et un rythme plus lent. Le rythme thêta (4 à 7 c/s) apparaît dès l'installation du sommeil. C’est un rythme associé à l’activité limbique, celle de la mémoire et des émotions. Il laisse ensuite la place au rythme delta (0,5 à 3 c/s) lors du sommeil lent et profond. Ce rythme est enfin remplacé par les ondes de haute fréquence du sommeil paradoxal.
Ce sommeil est loin d’être homogène. Comme nous l’avons vu précédemment [Les phases du sommeil chez l’adulte], il se caractérise par la succession de plusieurs cycles, entre 3 et 6, d’une durée moyenne de 60 à 120mn.
Chacun de ces cycles comprend 3 phases, deux phases de sommeil lent (léger, puis profond), et une de sommeil paradoxal.
Des périodes courtes s’intercalent entre ces phases : une période d’endormissement au début du sommeil, et des micro-éveils entre les cycles successifs, eux même suivis de périodes d’endormissement.
Le sommeil paradoxal correspond à la troisième phase du sommeil. Il est caractérisé par une intense activité cérébrale, similaire à celle que l’on observe durant l’état de veille.
Chacun de ces cycles présente une succession d’états différents mis en évidence par électroencéphalographie (e.e.g.).
a - Le sommeil lent :
Après une courte phase d’endormissement (stade1), le sujet entre en sommeil lent léger (stade2). Les rêves qui surviennent au cours de ce sommeil se rapportent généralement à des événements de la vie quotidienne, et le réveil y est facile.
Endormissement (Stade 1)
Sommeil lent léger (Stade 2)
Ce stade est ponctué de complexes K et de fuseaux.
Progressivement, apparaît une phase de sommeil plus profond (stades 3 et 4). Alors qu’à l’état de veille l’e.e.g. mettait en évidence des ondes de faible amplitude et de grande fréquence, il montre désormais des ondes de grande amplitude et de faible fréquence qui sont à l’origine de son appellation de sommeil lent profond.
Le métabolisme cérébral est ralenti, et le tonus musculaire diminué.
Sommeil lent profond (Stade 3 et 4)
b – Le sommeil paradoxal :
Le sommeil paradoxal qui suit est ainsi nommé car, alors que le sujet est profondément endormi, l’e.e.g. révèle une activité cérébrale similaire à celle de l’éveil. On observe des mouvements oculaires rapides (REM ou Rapid Eye Movement), mais le tonus musculaire est totalement aboli.
C’est au cours de ce sommeil que l’on retrouve les rêves les plus intenses et ceux dont on garde le souvenir au réveil. Cette intensité impose l’inhibition du système moteur.
Contrairement à l’état d’éveil, l’intense activité cérébrale au cours du SP
impose la paralysie du système locomoteur.
Des lésions des zones inhibitrices font que les situations fictives des rêves peuvent être source de danger.
C – La paralysie du sommeil paradoxal et les neurones à glutamate :
Pourtant, on observe des cas où le dormeur, en état de sommeil paradoxal, n’est pas paralysé. Au contraire, il parle, s'agite, projette violemment bras et jambes et peut même tomber de son lit !
C’est en s’intéressant à cette pathologie qui se déclare aux alentours de la cinquantaine (pathologie désignée par le terme de trouble du comportement en sommeil paradoxal ou "REM Sleep Behavior Disorder", soit RBD en anglais) que les chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS) ont pu comprendre les mécanismes en jeu dans une région particulière du cerveau.
Quelles sont les zones cérébrales concernées ?
C’est dans le noyau sub-latérodorsal du cerveau du rat que ces neurones ont été découverts. Ils communiquent grâce à un neurotransmetteur excitateur : le glutamate, et ont été mis en évidence après introduction de vecteurs viraux génétiquement modifiés.
Lors du SP, le noyau sublatérodorsal excitateur libère du glutamate :
les neurones du bulbe rachidien ventromédian sont alors activés. Ils vont inhiber les neurones moteurs, paralysant ainsi les muscles squelettiques.
Parvenus dans les cellules neurales, ces virus agissent en bloquant l'expression d'un gène qui permet la sécrétion du glutamate au niveau des synapses.
En l’absence de ce neurotransmetteur, la transmission de l’information est interrompue entre les neurones. Les neurones du noyau sub-latérodorsal sont alors déconnectés du bulbe rachidien ventromédian qui ne peut plus provoquer la paralysie corporelle lors sommeil paradoxal.
Si les neurones du noyau sublatérodorsal ne sont pas fonctionnels,
les neurones du bulbe rachidien ne reçoivent pas d’ordre inhibiteur :
les muscles ne sont pas paralysés.
Pourtant, malgré le blocage de ce neurotransmetteur, les rats dorment normalement et passent bien par la phase de sommeil paradoxal. La seule différence est qu’ils ne sont plus paralysés. Les symptômes qui en résultent sont semblables à ceux du trouble du comportement en sommeil paradoxal (RBD).
De même, si les neurones du bulbe rachidien ne sont pas fonctionnels
des comportements moteurs anormaux pourront se produire.
Jusqu’ici, on pensait que ces neurones à glutamate généraient le sommeil paradoxal lui-même. Grâce à cette expérience, on sait maintenant que ce n’est pas le cas : même si ce circuit neuronal est désactivé, les rats entrent bien dans cet état de sommeil. Sans être pour autant paralysés, ils dorment, yeux fermés et déconnectés du monde extérieur.
Tout indique que les neurones à glutamate ciblés dans cette étude jouent un rôle essentiel dans la paralysie corporelle du sommeil paradoxal et qu’ils seraient donc lésés chez les malades atteints de RBD.
Ces travaux de recherche pourraient donc avoir une importance capitale dans la compréhension de certaines maladies neurodégénératives, car les patients diagnostiqués avec le RBD développent presque toujours, 10 ans plus tard, les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson.
A terme, un grand nombre de parasomnies pourraient bénéficier des retombées de ces découvertes.