A - Durant l'état de veille :
-
chez les animaux à sang froid (poïkilothermes) :
Il apparaît, au sein des structures cérébrales, trois modules dont le premier est un cerveau aux
caractéristiques figées par la mémoire génétique, mais perfectibles en fonction des lois de la sélection naturelle : le petit sorti de l'œuf est immédiatement capable d'assurer son cycle de vie.
Ce module réagit essentiellement en fonction du
présent avec pour but la survie individuelle.
-
chez les animaux à sang chaud (homéothermes) :
Le deuxième module est un cerveau social
évolutif à deux composantes : l'hémisphère droit, siège de la perception sensible, et l'hémisphère gauche, siège de l'analyse.
Il atténue les réactions du module précédent, en tenant compte des données nouvelles de l'apprentissage.
Ce module réagit sur deux modes :
- en fonction du
présent, et l'animal en danger fuit,
- ou en fonction d'un
avenir proche : la sentinelle pressentant un danger ne fuit pas sans prévenir le troupeau, assurant à le fois sa survie et celle du groupe.
-
chez l'homme :
Un module rationnel se superpose aux précédents chez l'homme : l'individu obéit alors à des règles sociales, ou agit de façon abstraite,
dissociée du réel, ou se laisse entraîner par sa pensée discursive et n'agit plus.
Alors que le premier module est un module essentiellement
individualiste c'est-à-dire lié à la survie de l'individu dans l'environnement hostile, le deuxième module met en jeu des mécanismes ou "
l'autre" au sein de la même espèce peut être pris en compte. Le troisième module quant à lui est un module totalement
altruiste, pouvant négliger la survie individuelle au profit des comportements collectifs.
Deux cas de figure peuvent alors se présenter :
- la rationalité est toujours en accord avec la nature, bien que la perception naturelle soit de plus en plus atténuée, et le cerveau des pulsions presque totalement écarté ;
- la rationalité s'
abstrait des lois instinctives et sociales.
B - Durant le sommeil paradoxal :
Durant le sommeil paradoxal se produit une
inversion des mécanismes qui existent durant l'éveil.
Nous avons vu qu'à l'état de veille l'évolution qui a privilégié l'apparition d'un néo-cortex plus adaptable a entraîné également l'inhibition des couches ancestrales liées à la survie individuelle.
-
Chez les vertébrés inférieurs poïkilothermes, si l'on ne constate aucun état de sommeil paradoxal, c'est que les réactions de survie dépendent du seul module programmé génétiquement.
- Par contre,
chez les vertébrés supérieurs, le deuxième module, que nous avons appelé "cerveau animal", plus adapté à la vie en groupe, devient prééminent à l'état de veille et atténue les réactions du cerveau primitif.
Au cours du rêve, ce module perd sa prééminence et des interactions apparaissent : les comportements oubliés du fait de l'adaptation sociale sont réactivés par le cerveau primitif pour rappeler à l'individu que si sa survie est dépendante du groupe, elle est aussi
étroitement liée à son programme primitif.
- Enfin
chez l'homme, nous avons vu qu'un troisième module est apparu,
pouvant inhiber totalement les deux modules précédents.
Pendant le sommeil, la raison perd sa prééminence, les barrières établies entre la raison et les réactions naturelles, voire les pulsions instinctives, se rouvrent, et l'homme se retrouve confronté à sa nature profonde.
Le sommeil paradoxal correspond à la réactivation des interactions entre les trois modules : les deux premiers modules rappellent à la raison abstraite que
le monde concret est
lié à la perception, source de réactions indispensables à sa survie individuelle.
C - Action des différents modules sur les comportements durant la veille, le sommeil lent et le sommeil paradoxal :
Vertébrés inférieurs poïkilothermes :
Le seul cerveau instinctif est en action durant l'état de veille pour se mettre au repos durant le sommeil.
Le sommeil paradoxal demeure absent.
Vertébrés supérieurs homéothermes :
Deux systèmes cohabitent pendant la veille, le cerveau social tempérant et adaptant les réactions du module instinctif.
Durant le sommeil, le module lié aux règles sociales se met en sommeil.
Cette mise en repos des mécanismes régulateurs de la raison sociale permet au module instinctif (lié au fonctions vitale individuelles) de se réactiver, déclenchant alors l'activité liée au sommeil paradoxal.
Vertébrés supérieurs humains :
- Un seul système intervient pendant la veille. C'est le cerveau rationnel inhibiteur des réactions du module instinctif (il cohabite toutefois dans une certaine mesure avec le cerveau social animal).
- Durant le sommeil, le module rationnel se met en repos.
- Cette mise en sommeil des mécanismes régulateurs de la raison sociale animale permet au module instinctif (lié au fonctions vitale individuelles) de se réactiver, déclenchant alors l'activité liée au sommeil paradoxal.
Il apparaît alors, durant le sommeil paradoxal, deux types de comprtements contradictoires : le comportement instinctif qui autorise tous les types de réactions (tuer, aimer, attaquer, fuir, faire l'amour...), et le comportement rationnel qui doit résoudre le paradoxe entre son éducation sociale inhibitrice, et ses pulsions naturelles.
En résumé, alors qu'au cours de l'éveil le vertébré supérieur animal
se dissocie partiellement de sa pensée " instinctive", et que le vertébré supérieur humain
se dissocie de ses pensées animale et instinctive, durant le sommeil paradoxal l'animal
se confronte, en rêve, à sa pensée instinctive, et l'homme
se confronte, dans l'imagerie du rêve, à ses pensées instinctive et animale.
Les croyances anciennes nous disent que l'homme possède une âme qui se distingue du corps et qui peut s'en évader durant le rêve pour pénétrer dans des mondes parallèles.
Les chamans de la préhistoire et ceux des cultures animistes d'aujourd'hui invoquent les esprits animaux.
Or que signifie le mot âme, sinon ce qui anime, ce qui donne la vie ?
Si notre rationalité fige en nous toute réaction, quelle pensée pourrait nous rendre vie, sinon celle de notre cerveau
animal ?
Ainsi nous possédons en nous :
- une
pensée structurée par les règles,
- et une
pensée vivante, capable de resurgir durant nos rêves et de nous redonner goût à la vie lorsque nous en sortons, pour peu que nous l'écoutions! ...
Ces deux pensées fonctionnent en parallèle au sein du rêve, chacune avec son propre langage, langages tellement différents qu'elles en arrivent à ne plus pouvoir se comprendre...
Alors, pourquoi ne pas envisager que l'homme puisse se réunifier en réassociant :
- ces deux langages : celui des mots et celui des images,
- ces deux formes de pensée : la pensée rationnelle et la pensée animale...
Voici ce que serait l'homme réunifié par rapport à ce qui a été suggéré précédemment (voir fig 44-45) :
4 – Les mécanismes du rêve :
La vie reproduit à l'infini les mêmes mécanismes d'apparition, de transformation, et d'expansion. La vocalisation animale n'y échappe pas : apparition du cri, d'abord unique, qui se répète, se module, se spécialise, pour aboutir au langage apte à tout exprimer.
La mémorisation intervient à chaque étape de ce processus pour fixer les acquisitions (cf fig85).
Cependant, à un certain stade, la mémorisation devient impossible, car elle nécessiterait un support génétique trop important : imaginons un ordinateur qui, pour parler, devrait conserver en mémoire tous les mots d'une langue et le nombre infini de phrases différentes que cette langue comporte.
Ce qu'a fort bien décrit le professeur Jouvet dans "Le sommeil et le rêve" : "les rêves auraient pour raison d'être la réactivation d'une mémoire génétique qui, si elle devait être programmée en totalité, nécessiterait un support génétique trop important".
Le développement de la vie doit donc s'élaborer à partir de briques élémentaires (la mémoire génétique) programmant des fonctions simples.
A ce module de base se surajoute une commande pouvant le reproduire à l'infini.
Il est nécessaire, bien sûr, de saisir que
le terme "attaque" représenté, en langage informatique, par le chiffre Un (1)
peut aussi signifier, en langage symbolique :
union, fusion, établissement d'un lien...
Quant au terme "fuite", représenté par le Deux (2),
il signifie aussi :
séparation, désintégration, lien aboli...
Nous aboutissons ainsi au système binaire cher aux informaticiens qui existe dans tous les mécanismes de la vie : expansion, récession, flux, reflux, jour, nuit, réchauffement, refroidissement.
A partir de ce système de programmation simple, tous les mécanismes vitaux peuvent être contrôlés :
- Les réactions réflexes :
- Le système neurovégétatif :
- Le système nerveux supérieur et la vie de relation :
- La perpétuation de la vie :
Et ce mécanisme est valable :
- pour développer les différentes structures mentales :
Paléoencéphale : (réactions réflexes)
attaque (1) fuite (0)
Néocortex animal :
- établissement des relations avec le monde extérieur :
approche des groupes sociaux complémentaires (1)
évitement des groupes sociaux rivaux (0)
apprentissage et intégration d'autres mécanismes de survie (1)
élimination des apprentissages inutiles (0)
- établissement des premières règles sociales :
je suis le chef et vous restez sous ma domination (1)
je suis le chef et personne ne touche à ma femelle (0)
tu ne dois pas tuer ton semblable (0)
tu peux tuer au sein des espèces gibiers (1)
Néocortex humain : (les Tables de la Loi)
- tu aimeras ton prochain (1)
- tu ne tueras point (0)
- c'est bien (1)
- c'est mal (0)
- pour assurer les inter-relations aux capacités immenses qui existent entre ces trois systèmes et qui ne pourraient toutes être prévues par les lois de l'évolution.
L'homme durant la veille au sein des règles sociales :
Les différents éléments de son système nerveux supérieur sont dissociés.
La zone rationnelle, profondément liée à la loi sociale ne possède pas tous les éléments de réponse à la pression de l'environnement.
L'homme, durant le sommeil, au sein des règles intérieures :
Les différents éléments de son système nerveux supérieur interagissent à nouveau.
De nouvelles réponses vont pouvoir apparaître, favorisant l'adaptation aux situations environnementales
auxquelles la seule raison ne pouvait trouver de réponse.