« De réponses en questions, j’ai surtout désappris. »
Mannick. (Je viens du fond de mon enfance - 1978)
La naissance
de l'univers.
Evolution ou création ?
1 - Les trous noirs et la naissance de l’univers :
Dès son origine, la vie n’a cessé d’évoluer, d’acquérir et de transmettre des connaissances [cf : Matiere_et_conscience]. Cette transmission s’est faite d’abord par les molécules, puis, chez les êtres vivants plus évolués, par des moyens autres, jusqu’à ce que l’homme les perpétue grâce à l’écriture.
Mais quels peuvent bien être les prémices de cette vie qui, faite de matière, aurait débuté quelques fractions de secondes avant un big-bang créateur ? Qu’avons-nous découvert depuis que l’hypothèse du Big bang a été élaborée, et quels nouveaux éléments pourraient nous éclairer sur notre origine ?
A - Les débuts :
En élaborant sa théorie de la relativité générale, entre 1907 et 1915, Albert Einstein a initié une nouvelle compréhension de l’univers.
Il a non seulement permis d’envisager une origine à l’univers (le Big Bang), mais, de plus, sa théorie a fait apparaître un nouveau composant : dans un espace-temps courbé par les masses, existeraient des lieux qui attirent tout ce qui les entoure et ne laissent rien échapper. Pourtant, à l’époque, personne n’y croit.
Espace temps courbé par une masse.
Il faudra attendre 1968 pour qu’un physicien américain, John Wheeler, donne un nom à ces lieux : il les appellera « trous noirs »
A partir des années 1990, la certitude de leur existence va s’imposer, mais il faudra attendre le 14 septembre 2015 pour que l’observatoire LIGO (Louisiane, États-Unis) capte pour la première fois les ondes gravitationnelles résultant de la fusion de deux trous noirs.
B - Composition et différents types de trous noirs :
a - Composition d’un trou noir :
– Le jet relativiste : au pôle du trou noir, le champ magnétique créé par le plasma éjecte une partie de la matière à des vitesses proches de celle de la lumière
– Le disque d’accrétion : disque de plasma formé par la matière aspirée et comprimée par la gravité en périphérie du trou noir.
– La dernière orbite stable : c’est le limite interne du disque d’accrétion.
– La sphère de photons : région proche du trou noir ou la force gravitationnelle retient les photons (particules de lumière) en orbite.
– L’horizon des événements : limite à partir de laquelle matière et énergie attirées par le trou noir ne peuvent plus lui échapper.
– La singularité : au centre du trou noir, la matière est concentrée dans une région de densité et de température infinies.
b - différents types de trous noirs :
Ils résultent de différents scénarios de naissance :
- le trou noir super massif : de 1000 à 1 millions de masses solaires, il est issu de l’effondrement d’un nuage interstellaire. Son existence est confirmée.
- le trou noir intermédiaire : de 40 à 1000 masses solaires, il résulterait de l’effondrement d’une étoile primordiale.
- le trou noir stellaire : 3 à 40 masses solaires, il est issu de l’explosion d’une étoile massive. Son existence est avérée.
- le micro trou noir : ne dépassant pas10-5 gr, il n’a pas encore été mis en évidence.
- Une dernière variété attise aujourd’hui la curiosité : le trou noir primordial à quatre dimensions qui serait à l’origine de notre univers et sur lequel nous reviendrons plus loin.
C – Formation d’un trou noir :
Lorsqu’une étoile géante parvient en fin de vie, c’est-à-dire lorsque les réactions nucléaires en son sein s’épuisent, celles-ci ne peuvent plus contrebalancer l’énorme force de gravitation qui la fait s’effondrer sur elle-même. Elle explose alors, et tendis que ses couches externes échappent à l’attraction centrale, son cœur s’écroule sur lui-même.
Ce cœur disparaît à l’intérieur de la zone que l’on nomme « horizon », d’où la lumière elle-même ne peut s’échapper. Seule la matière éjectée peut apparaître sous notre regard grâce des instruments suffisamment puissants et sensibles.
C’est pour cette raison que les trous noirs demeurent, aujourd’hui encore, totalement invisibles.
Pourtant, peu à peu, ils se révèlent à nous, tout d’abord par la mise en images des équations, ce qui aide à leur compréhension, puis par l’observation.
De plus, ils ne sont pas si rares qu’on pourrait le penser : dans notre seule galaxie, on estime leur nombre à 100 millions (étude basée sur les détections de LIGO) pour 250 millions d’étoiles, et on détecte de plus en plus de trous noirs très massifs, essentiellement dans l’univers lointain, c'est-à-dire jeune.
Parmi tous ces trous noirs, deux se distinguent aujourd’hui :
Tout d’abord Sagittarius A*, trou noir super massif, probablement à l’origine de notre galaxie et situé en son centre. A 26 000 années-lumière de la terre, il a la taille de dix soleils, et pèse 4,3 millions de masses solaires.
Puis NGC 1600, le plus gros trou noir détecté à ce jour. A 208 millions d’années-lumière de la terre, dans la constellation de l’Eridan, il pèse 17 milliards de masses solaires.
Ces trous noirs stellaires, issus de l’effondrement d’étoiles massives, sont extrêmement difficiles à repérer lorsqu’ils ne sont pas en couple.
Cependant, nous avons vu que, lorsque deux étoiles sont alignées, on peut observer un phénomène de lentille gravitationnelle : l’étoile, ou la galaxie, d’avant-plan modifie la trajectoire de la lumière provenant de l’étoile située derrière comme le ferait une loupe.
Vision directe d'une étoile.
Effet de lentille gravitationnelle par une galaxie
C’est ainsi que la galaxie située devant le quasar HE0435-1223 (au centre de l'image) crée, par effet de lentille gravitationnelle, 4 images de celui-ci.- (ESA/Hubble, NASA, Suyu et al)
Or, dans certains cas, on ne trouve pas d’étoile ou de galaxie à l’avant-plan. On peut alors supposer que l’objet invisible, suffisamment massif pour réaliser cet effet de lentille, est un trou noir.
Effet de lentille gravitationnelle par un trou noir.
Dans le cas de figure de la photo précédente, la partie centrale demeurerait invisible.
Alors, sachant que ces trous noirs sont si difficiles à voir, comment parvient-on à les détecter et les visualiser ?
D –Détection d’un trou noir :
a – Les méthodes de visualisation :
En premier lieu, pour repérer un objet invisible, il est nécessaire de savoir ce que l’on cherche, et de l’avoir visualisé. En effet, comment comprendre quelque chose qu’il n’est pas possible de voir ? À quoi se raccrocher pour l’imaginer ?
C’est la raison pour laquelle il a fallu attendre près de cinquante ans pour que les trous noirs décrits par la solution de Schwarzschild, extraite de la théorie de la relativité d’Albert Einstein dès 1916, soient compris.
Prenons l’exemple de la solution de Schwarzschild, sous forme de calcul ou sous forme d’image.
La formule se montre bien plus obscure que l’image. Au contraire, l’image transforme l’équation en réalité tangible : la visualisation s’avère donc indispensable pour appréhender les trous noirs.
Le premier à proposer une véritable vision géométrique d’un trou noir a été le physicien autrichien Ludwig Flamm qui, lui aussi dès 1916, l’a représenté sous la forme d’un drap déformé par une masse déposée en son centre.
Le trou noir disparaît dans la nappe courbée par sa masse.
Là encore, il a fallu attendre les années 60 pour comprendre cette représentation, le temps, sans doute, que le cerveau humain accepte une vision nouvelle, (une mutation similaire à celle initiée par Galilée lorsque, avec sa lunette astronomique, il a transformé la voûte du ciel en un espace profond).
Aujourd’hui, la représentation que se fait notre cerveau d’un trou noir a changé : c’est généralement celle d’une sphère obscure sur un fond de ciel étoilé.
De fait, un trou noir est un objet physique très simple : lorsqu’il est isolé, seuls deux paramètres, sa masse et sa vitesse de rotation, suffisent à le décrire.
En dehors de ces images qui permettent, non pas de voir le trou noir, mais de visualiser son environnement, comment parvient-on à se représenter son aspect ?
A défaut de les voir, la théorie de la gravitation permet de prévoir - à l’aide de simulations numériques - ce que verrait un observateur qui contemplerait un trou noir. Aujourd’hui, grâce à des ordinateurs puissants, ces images deviennent de plus en plus précises.
C’est ainsi qu’après une période où les artistes se sont plu à les représenter de manière à rendre au mieux leur aspect extraordinaire, leur véritable apparence se fait jour grâce aux simulations numériques qui révèlent les distorsions complexes que leur puissant champ gravitationnel imprime à l’espace-temps et aux trajectoires des rayons lumineux qui passent à proximité. Ces simulations ont été mises en œuvre pour la première fois en 1978 par Jean-Pierre Luminet, astrophysicien et directeur de recherche au CNRS.
Si l’on considère la zone immédiatement extérieure à l’horizon des événements, les photons qui échappent à l’attraction du trou noir présentent une trajectoire courbée par la force d’attraction du monstre en rotation. Ils ne vont pas s’échapper en ligne droite, et ils vont présenter une trajectoire profondément ralentie par effet Doppler.
Cet enroulement des rayons lumineux crée une image secondaire qui permet de voir la face cachée du disque d’accrétion. Cette partie arrière prend alors la forme d’un mince bande de lumière collée contre le disque noir central.
D’autre part, la luminosité est maximale dans les zones les plus proches de l’horizon, car c’est là que le gaz et le plus chaud.
Cependant, la lumière qu’en reçoit un observateur lointain diffère nettement de la lumière émise. En effet, la combinaison des effets Einstein (provoqué par le champ de gravité) et Doppler (provoqué par la rotation rapide du disque d’accrétion, proche de la vitesse de la lumière), amplifie le flux lumineux reçu du côté de l’image ou le gaz se rapproche de l’observateur, et l’affaiblit du côté opposé où il s’éloigne.
Trajectoire des photons en provenance d’une étoile.
Trajectoire des photons sous l’influence d’un trou noir en rotation.
Cette forte asymétrie lumineuse est la principale caractéristique du trou noir,
Une simulation animée, réalisée au début des années 1990 par Jean Alain Marck, astrophysicien à l’observatoire de Paris Meudon, en couleur et animé, est remarquable à cet égard.
Une autre façon de visualiser un trou noir est de le représenter sans disque d’accrétion (la matière en orbite autour de l’objet central), et de calculer le mirage gravitationnel qu’il induit sur le fond étoilé. Là encore une simulation remarquable a été réalisée en 2006 par Alain Riazuelo, de l’institut d’astrophysique de Paris. Il a notamment calculé le mirage gravitationnel créé par un trou noir passant devant un fond d’étoiles, le disque de notre propre galaxie ou les nuages de Magellan.
b - Comment les détecte-t-on ?
Nous venons de voir, grâce aux descriptions relevant des calculs de la physique, qu’il est possible de visualiser les trous noirs.
Mais quels sont les moyens actuellement à notre disposition pour observer ces entités ?
Un trou noir est invisible : si on se le représente en projection sur un fond de ciel blanc, l’horizon des événements aurait l’aspect d’un disque parfaitement noir s’il est statique (trou noir de Schwarzschild), ou d’un disque légèrement aplati s’il est en rotation (trou noir de Kerr).
Mais les trous noirs sont rarement isolés : leur environnement immédiat consiste généralement en poussières et gaz. Certains peuvent aussi, comme les trous noirs géants situés au centre de la plupart des galaxies, être entourés d’étoiles dont ils modifient les orbites.
Ainsi, s’il est vrai qu’un trou noir demeure invisible, sa présence peut-être trahie par la façon particulière dont il modifie la matière environnante.
C’est ainsi que l’on peut repérer des trous noirs stellaires, issus de l’effondrement d’étoiles massives, lorsqu’ils sont en couple avec d’autres étoiles normales. Ils sont alors trahis par les émissions de leur environnement : par exemple, l’étoile HD226868, en orbite autour d’une puissante source de rayons X trahit la présence d’un trou noir, Cygnus X – 1 (1ère source de rayonnements X, dans la constellation du Cygne).
Cygnus X-1 vu par le télescope spatial Chandra.
Par ailleurs, les trous noirs super massifs (qui pèsent des millions de fois la masse du soleil) dans l’univers lointain, sont révélés soit par leur environnement (poussières et gaz) qui émet un puissant rayonnement quand il est chauffé, soit parce qu’ils détruisent les étoiles qui passent à leur portée.
Il y a aussi les trous noirs de quelques masses solaires qui peuvent, quant à eux, être repérés par les ondes gravitationnelles qu’ils émettent lorsqu’ils sont en couple et qu’ils fusionnent.
Pour Sagittarius A* (4 millions de masses solaires), au centre de notre galaxie, ce sont les étoiles qui orbitent à proximité qui l’ont trahi.
1 - Les poussières interstellaires :
Les premiers trous noirs super massifs ont été observés en 1963, aux confins de l’univers visible. S’ils ont pu l’être, c’est que ces régions éloignées correspondent à un univers encore jeune où les gaz et poussières indispensables à leur formation sont disponibles en grande quantité (dans l’univers proche, le gaz a déjà été utilisé lors de la formation des étoiles et des galaxies) [cf : Formation des nébuleuses et des étoiles].
Ces objets, très lumineux et lointain, ont été baptisés quasars.
Quasar PG 0052+251 par Hubble
Le trou noir le plus lointain qui ait été observé se situe à 690 millions d’années-lumière après le big-bang (pour mémoire, nous en sommes situés nous-même à 14 milliards d’années, soit 20 fois plus loin) [cf : âge de l'univers].
2 - L’orbite des étoiles :
De leur côté, les trous noirs super massifs cachés au centre des galaxies sont généralement privés de gaz et donc impossibles à détecter par les rayonnements qui nous en parviennent. On utilise alors une autre technique qui s’appuie sur l’analyse du mouvement des étoiles qui orbitent autour d’eux.
En effet, ces étoiles ont des trajectoires qui suivent les lois de Kepler, lois qui permettent de relier la masse de l’objet central à la période et à la dimension de leur orbite. C’est ce qui se passe pour les planètes de notre système solaire. C’est d’ailleurs grâce aux mêmes lois qu’a pu être découvert Neptune, de même que la plupart des objets lointains qui gravitent autour de notre soleil.
3 - Le Flash :
Toutefois, ces deux techniques permettent seulement de découvrir une infime partie des trous noirs super massifs.
En 1988, l’astronome britannique Martin Rees a exploité une nouvelle méthode qui exploite le court éclat lumineux émis lorsqu’un trou noir détruit une étoile qui l’approche de trop près.
En effet, lorsqu’une étoile s’approche d’un trou noir super massif, elle subit une force gravitationnelle plus importante du côté le plus proche du trou noir, ce qui l’étire dans cette direction. L’étoile va alors se distendre jusqu’à former un long nuage de gaz.
Etoile en orbite stable .
Etoile happée par le trou noir.
La destruction de l’étoile est cependant trop peu lumineuse pour être observée. Le flash attendu ne se produira qu’au retour vers le trou noir d’une partie du nuage de gaz qui a pu échapper à l’attraction gravitationnelle. Ce gaz rentre alors en collision avec les éléments de l’étoile demeurés dans le voisinage du trou noir. À cet instant, le gaz devient plus lumineux que la galaxie tout entière.
L’événement peut ainsi être observé à plusieurs milliards d’années-lumière dans le domaine visible, l’ultraviolet, ou en rayons X, et il peut se prolonger plusieurs mois ou années.
C’est ainsi que, depuis la première détection, plusieurs dizaines d’événements de ce type ont pu être observés.
Retour de l’étoile sur ses débris et flash.
4 – Les ondes gravitationnelles :
En physique, une onde gravitationnelle est une oscillation de la courbure de l'espace-temps qui se propage à la vitesse de la lumière sur de longues distances.
Tout comme les ondes électromagnétiques (lumière, ondes radio, rayons X, etc.) sont produites par les particules chargées accélérées, ces ondes gravitationnelles, prédites par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein en 1916, seraient produites par des masses accélérées et se propageraient dans l’espace à la vitesse de la lumière.
Leur existence étant régulièrement remise en question, faute de moyens pour les observer, des efforts en ce sens ont été engagés à partir des années 1960. Ce n’est cependant qu’en septembre 2015 qu’a pu être réalisée la première observation confirmant leur existence.
En dehors d’apporter un nouvel élément assurant la validité de la théorie de la relativité générale, ces ondes gravitationnelles ouvrent un champ nouveau d’observation de l’univers, d’autant plus qu’elles ne sont pas arrêtées par la matière.
5 – Sagittarius A*, le trou noir de notre galaxie :
En 1974, les astronomes américains Bruce Balick et Robert Brown ont découvert au centre de notre galaxie, à 26 000 années-lumière de notre système solaire, une source radio ponctuelle qu’ils ont baptisée Sagittarius A* (Sgr A* en abrégé).
Emplacement du soleil dans notre galaxie.
Emplacement du trou noir au centre de notre galaxie.
Pour parvenir à l’observer, une équipe européenne a installé sur le site du VLT au Chili, un instrument baptisé Gravity. Fonctionnant sur le principe de l’interférométrie optique, cet instrument recombine la lumière collectée par plusieurs télescopes pour synthétiser une image.
C’est ainsi qu’en 2016, Gravity a obtenu les premières données sur Sgr A*.
La forte intensité signal radio et son aspect ponctuel évoquent un trou noir.
De plus, en observant les gaz qui l’entourent, et en mesurant l’orbite de l’étoile S2 et celle d’autres étoiles proches, les astrophysiciens ont pu en déduire la masse de l’objet central : une masse considérable, de plus de 4 millions de fois la masse du soleil, qui permet d’envisager la présence d’un trou noir super massif. Toutefois, pour valider cette hypothèse, il faudrait pouvoir déterminer la taille de cet objet.
Comment y parvenir ? En effet, si Gravity a permis de mesurer l’orbite de S2, des distances inférieures à 26 unités astronomiques (3 ms d’angle) ne lui sont pas accessibles.
Or, pour une masse de 4 millions de fois la masse du soleil, le rayon de Schwarzschild est de 0,1 unité astronomique. Le diamètre de Sgr A* serait donc de 0,2 unités astronomiques, soit 53 µs d’angle. Pour distinguer le trou noir, il faudrait donc que l’instrument de mesure utilisé soit capable de mettre en évidence un objet bien plus petit.
c –Moyens mis en œuvre aujourd’hui pour les observer :
L’invisibilité des trous noirs n’est pas la seule cause de la difficulté à les observer, comme nous venons de le voir pour Sgr A* : leur taille et leur distance sont également en cause.
Le plus proche trou noir stellaire connu, se trouve à environ 3500 années-lumière de nous, et il a un diamètre d’à peine 40 km ! Autant dire qu’il est inaccessible à notre technologie actuelle. Il faut donc s’intéresser à des trous noirs super massifs proches.
Les plus prometteurs sont le trou noir M 87*, un géant de 6 milliards de masses solaires, situé à 55 millions d’années-lumière de nous, et Sagittarius A*, plus proche, au centre de notre propre galaxie.
Pour parvenir à observer ce dernier, un radiotélescope d’environ 5000 km de diamètre est indispensable. Ce n’est possible qu’en utilisant plusieurs observatoires travaillant en réseau et répartis sur toute la surface terrestre. C’est pour cette raison qu’a été conçu le projet EHT (Event Horizon télescope) qui met en réseau des radiotélescopes millimétriques répartis sur toute la planète.
Les huit stations radioastronomiques qui le composent actuellement sont réparties en Espagne, au Mexique, en Arizona, à Hawaï, en Antarctique, et au Chili. En travaillant de concert, elles créent un observatoire virtuel de 5000 km d’ouverture.
Pour étudier Sgr A*, les équipes de l’EHT ne disposaient chaque année que de deux semaines pour faire une tentative d’observation groupée. Ce n’est qu’en avril 2017, que les conditions météorologiques ont permis l’observation, deux nuits étant consacrées à Sgr A*, et deux à M 87.
Le traitement de la masse de données ainsi recueillies devrait permettre d’obtenir la première image de Sgr A* dans le courant de l’année 2018.
E - Que sait-on des trous noirs aujourd’hui, quels rôles jouent-ils dans l’univers ?
À défaut d’observer les trous noirs, c’est leur action sur l’environnement qui a été observé.
C’est ainsi que les chercheurs ont découvert qu’ils semblent avoir joué un rôle de première importance tout au long de l’évolution de l’univers.
Ici, ils ont favorisé la condensation de gaz pour former des étoiles.
Ailleurs, ils ont expulsé le trop-plein de matière.
Au début, les chercheurs pensaient que rien ne pouvait sortir d’un trou noir ! Certes, les gaz et les poussières qui s’en approchent de trop près disparaissent derrière son horizon. Mais auparavant, ils s’échauffent et brillent intensément sous l’influence des forces gravitationnelles qui les compriment.
Effondrement d’un nuage interstellaire et environnement lumineux d'un trou noir.
a - Rôle créateur :
Aucun autre objet de l’univers ne possède une telle efficacité pour tranformer la matière en énergie. Aucun ne peut tourner sur lui-même, avec une vitesse de rotation égale à la vitesse de la lumière à sa limite externe, comme le fait le trou noir de Kerr. Aucun ne peut expulser de la matière à une vitesse proche de celle de la lumière, sur des dizaines de milliers d’années-lumière.
Jet de la galaxie M87 qui part du trou noir central
C’est ainsi qu’à 12 millions d’années-lumière de la terre, à la périphérie de la galaxie NGC 7793, des astronomes ont découvert un trou noir stellaire qui émet à ses pôles des jets de particules d’une longueur totale de 1000 années-lumière.
Ces jets créent autour du trou noir une bulle de particules et de gaz qui enfle à la vitesse d'un million de kilomètres par heure et mesure aujourd'hui 1 000 années-lumière de diamètre.
Centaurus-A-NGC-512
Jusqu’au début de ce siècle, un trou noir était avant tout un monstre destructeur, pouvant même absorber une galaxie entière comme le fait actuellement l’un d’eux avec la galaxie NGC 4696.
Cependant, à partir de 2005, les astrophysiciens se sont aperçus que les trous noirs les plus énergétiques peuvent engendrer la formation d’étoiles.
En 2011, l’astrophysicien David Elbaz a pu observer l’apparition d’étoiles le long du jet du trou noir de la galaxie HE0 450 – 2358 : ce trou noir semble en train de construire une galaxie. De son côté, Roberto Maiolino, de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), a découvert que les étoiles de la galaxie IRAS 23 128 – 5919 suivaient la direction du jet émis par son trou noir central. Ce phénomène se retrouve dans la galaxie Centaurus A
Aujourd’hui, il est avéré que les jets des trous noirs génèrent des étoiles.
b - Rôle régulateur :
Les vents de plasma expulsés par le disque des trous noirs pourraient aussi contrôler le développement des galaxies.
En effet, lorsqu’une trop grande quantité de gaz s’accumulent autour des trous noirs, elle est expulsée jusqu’à 5000 années-lumière, ce qui est la taille des galaxies à l’origine de l’Univers.
Une fois le gaz expulsé, il ne peut plus alimenter le trou noir qui cesse de donner naissance à des étoiles.
La croissance de la galaxie est alors stoppée.
Un autre phénomène était difficilement compréhensible pour les astrophysiciens. Comment les galaxies qui tournent trop vite peuvent-elles donc retenir leurs étoiles ? Pour l’expliquer, la relativité générale suggère que les galaxies doivent être remplies aux quatre cinquièmes d’une matière inconnue, invisible elle aussi : la matière noire, que l’on n’a pu détecter à ce jour. Les trous noirs seraient-ils à l’origine de ce phénomène?
Si leur influence était avérée, ils permettraient d’éliminer cette matière noire introuvable.
Mouvement des étoiles dans une galaxie sous l'effet d'une "matière noire".
Trajectoire rectiligne des étoiles et éjection de la galaxie si aucune force ne les retenait.
L'attraction gravitationnelle d'un trou noir serait-elle à l'origine de cette retenue?
Qu’en est-il du trou noir qu’abrite notre galaxie ? Peu actif, la formation de nouvelles étoiles est limitée, ce qui évite les bouleversements.
c – Rôle dans la trame de l’espace-temps :
Aucune théorie ne dit quoi que ce soit du temps.
Là encore les trous noirs, ou plus particulièrement les micro trous noirs, peuvent apporter un élément de réponse.
En effet, les équations de la physique quantique sont identiques, quel que soit le sens de l’écoulement du temps : ils modèlent donc notre espace-temps.
Dans le monde que nous connaissons, le temps s’écoule dans un seul sens.
En physique quantique, l'écoulement du temps peut se faire dans les deux sens.
Si le développement des technologies n’a jamais pris en défaut les calculs théoriques en physique quantique, beaucoup de résultats demeurent difficilement accessibles à nos capacités compréhension et de représentation. Tel est le cas du trou de ver qui permet de relier instantanément deux points distants.
Le trou de ver correspond à une égalité mathématique, soit ER = EPR.
D’un côté de l’égalité, il y a ER, deux lettres se référant aux « ponts d’Einstein – Rosen », des raccourcis spatio–temporels qui relient deux trous noir distants.
Tout comme au niveau des circonvolutions de notre cerveau, 2 espaces éloignés peuvent s’approcher au point de communiquer au même instant.
Trou de ver.
Ponts entre trous noirs.
De l’autre côté de l’égalité, EPR se réfère au « lien d’Einstein – Podolski – Rosen », plus connu sous le nom d’intrication quantique qui est la capacité des particules matérielles à maintenir entre elles un lien immatériel par-delà les distances.
En clair, deux systèmes intriqués peuvent s’influencer de manière instantanée, même s’ils sont séparés par des milliards de kilomètres.
Aujourd’hui, si EPR a pu être observé, ER ne l’a jamais été et demeure un résultat mathématique.
d - Rôle dans l’évolution de nos connaissances :
En 1974, le Britannique Stephen Hawking avait découvert que les trous noirs émettent de l’énergie sous forme de lumière infrarouge : bien qu’absorbant toute la matière qui les entoure, ils s’évaporeraient donc et devraient perdre l’information qu’ils contiennent. Or la physique quantique impose un principe : les informations sur l’état des systèmes quantiques ne peuvent disparaître de l’univers. Les trous noirs pourraient permettre de résoudre le paradoxe de l’information.
De plus, ils permettent de comprendre comment l’univers est devenu transparent. En effet, leur rayonnement « X » a permis de ré-ioniser l’hydrogène neutre.
Ils nous permettent ainsi de mettre à jour nos connaissances, des connaissances qui n’ont pas cessé d’évoluer depuis que l’homme cherche à comprendre le monde qui l’entoure.
« Inaccessibles et invisibles il y a quelques décennies,
les trous noirs pourraient transformer notre compréhension de l'univers. »
2 - La science et l'évolution des connaissances : (suite)