Nous savons que le fœtus peut réagir aux sons, à la lumière, mais il est
difficile de savoir quel peut-être le degré de conscience d'un enfant avant la naissance :. Baigné dans les hormones maternelles on peut imaginer que ses perceptions sont influencées par celles que vit sa mère, et qu’il ressent les mêmes émotions, sans toutefois en percevoir et en comprendre l’origine.
Nous avons envisagé que les perceptions du fœtus, avant la naissance, puissent ressurgir dans les
NDE, où le sujet adulte contacte un amour universel, fusionnel... Elles semblent également réapparaître dans certains états de « vacuité » induits par une méditation dans laquelle l’écoute accueillante, sans jugement, se substitue à la réflexion permanente.
Même s’il n’a pas conscience au sens où nous l’entendons, le bébé a certainement des perceptions
de lui-même et, par le biais des hormones maternelles, des perceptions
de ce que ressent ou vit sa mère.
C'est à la naissance qu'il va vivre un événement majeur : tout son environnement va changer. Séparé d’un monde dans lequel il vivait dans un état fusionnel, il va devoir réorganiser l’ensemble de ses perceptions et découvrir sa place dans
un monde si différent qui l’accueille.
Grâce à la
vision, il va alors appréhender le monde extérieur et la distance, laquelle va lui permettre, progressivement, de faire la distinction entre lui et le monde puis entre lui et l'autre... Après avoir pris conscience de l’autre et de son apparence, il va prendre conscience de sa propre apparence.
Bébé qui découvre des visages . |
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Bébé qui découvre son visage. |
2 - Développement des capacités de l’enfant :
A – De la naissance à un an - la découverte de l’environnement et l’imitation :
a - L’imitation :
Nous savons qu'il existe, dans le cerveau, des
neurones miroirs qui s'activent de manière identique lorsque l'enfant voit, ou reproduit le geste observé.
Dès que le bébé est capable de voir, il va nous démontrer ses
capacités d'imitation. C’est ainsi que, dès la naissance, et au bout de
42 minutes seulement, il se montre capable d'imiter une
expression faciale : ce faisant, il montre son aptitude à percevoir la similitude qui existe entre son visage est celui d'un autre.
Au début des années 1980, les travaux d'Andrew Meltzoff, psychologue spécialiste du développement de l’enfant à l'université de Washington,) ont montré que le nourrisson a une capacité innée à reconnaître que l'autre est semblable à lui : il peut donc reproduire les expressions du visage qui lui fait face.
Tests d’imitation par le psychologue Andrew N Meltzoff. |
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Si on lui tire la langue, il la tire aussi. Si on ouvre grand la bouche, il fait de même.
Déjà, grâce cette capacité de résonance, tout un pan de la personnalité du futur adulte est en voie d’installation. En effet, toute personne normalement constituée résonne avec les autres. C’est ainsi que l’adulte confronté à des expressions de colère envers lui pourra éprouver
le besoin de réagir à l’identique. Ce comportement n’est pas celui de l’empathie, car cette dernière permet de ressentir sans éprouver la même colère ou le même ressentiment.
Chez les bébés, cette capacité de reproduire les mouvements ou les expressions de son entourage ne relèvent pas de l’intention, mais des
automatismes : on parle alors de
résonance motrice.
Une autre forme de résonance se retrouve dans le domaine des émotions : lorsqu’un nourrisson pleure dans une maternité, les autres nouveau-nés se mettent eux aussi à pleurer.
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Par contre les bébés ne réagissent pas lorsqu'ils entendent les plaintes d'un petit chimpanzé ; on peut donc supposer qu’
ils savent déjà s’identifier à un autre bébé lorsqu’il pleure,
ou à un adulte lorsqu’il imite ses mimiques.
De même, ils ne réagissent pas lorsqu'ils écoutent leurs propres pleurs préalablement enregistrés. La résonance émotionnelle s'exerce donc uniquement
entre soi et l'autre.
À deux mois, pour la perception des visages, le nourrisson active dans l'hémisphère droit
la même région que l'adulte : le gyrus fusiforme droit et le cortex occipital inférieur.
Dès
trois mois, les aires du langage situées dans l'hémisphère gauche
s'activent à l'écoute de sons et d'histoires.
Ainsi, peu après s’être montré capable de reconnaître des expressions sur les visages, le nourrisson va commencer à établir un lien entre ce qui lui est montré (réalité objective) et ce qui est verbalisé (réalité virtuelle).
Vision et audition vont se coordonner pour permettre de communiquer.
À
quatre mois, l'enfant sait qu'un objet continue d'exister lorsqu’il disparaît de son champ visuel. Toutefois, il s’attend à ce que l’objet réapparaisse là où il a disparu.
b - Les émotions :
Paul EKMAN, professeur de psychologie au Département de psychiatrie de l'université de Californie a énuméré les éléments suivants pour déterminer les
émotions de base.
Pour lui, chacune doit :
- être associée à des événements déclencheurs,
- apparaître spontanément, de façon rapide,
- être évaluée automatiquement,
- s'exprimer par des changements physiologiques,
- entraîner des images, des pensées ou des sensations spécifiques,
- être présente non seulement chez l’être humain, mais aussi chez d'autres primates.
Tous ces critères lui ont permis de ne retenir que
six émotions fondamentales, chacune
associée à une mimique du visage : la surprise, la joie, la tristesse, la colère, le dégoût, et la peur.
Ces six émotions de base ont, bien sur, été identifiées
quel que soit le groupe humain et sa culture.
Le nouveau-né se montre lui aussi capable, quelques heures seulement après sa naissance, de réagir à différentes émotions de l’adulte, et de manifester ses propres réactions émotionnelles.
La précocité de ce comportement qui n’est pas le résultat d’un apprentissage montre que l'expression de ces émotions
semble être innée.
Charles Darwin, en 1872, avait déjà tenté de savoir si les mimiques faciales de l’homme dépendaient des influences culturelles ou si elles étaient déterminées par des facteurs biologiques. Pour lui, non seulement l'expression et la perception des émotions étaient innées, et universelles, mais la façon dont les visages expriment la colère, la peur ou le dégoût était
identique chez les hominidés, comme l'homme et le singe.
Ainsi les émotions, de par leur précocité et leur présence équivalente à un
langage universel, indiquent qu’avant d’être conçu pour raisonner, le cerveau humain est conçu pour agir, les émotions qu’il suscite servant à transmettre des informations dans ce but.
Comment se développent ces émotions ?
Lorsqu’on observe les nouveaux-nés alors qu’ils imitent leur entourage, la première question qui se pose est :
le nouveau-né ressent-il ce qu'il exprime ?
On observe alors que, dès
six semaines, les bébés réagissent unanimement
de manière négative au test du « stillface » (visage impassible, fixe, même souriant).
En effet, si les yeux ne réagissent pas, il ne s'agit pas d'un sourire de joie ou de plaisir, mais d'un sourire de convenance que l’on retrouve par exemple dans le domaine de la danse sportive où il est important de donner l’illusion du plaisir.
Quand la mère est ainsi décalée, les bébés manifestent toujours un évitement du regard, et un
bouleversement émotionnel. A l’inverse, si le sourire est naturel, le bébé de deux mois réagit par un sourire, preuve qu’il ne s'agit ni d'imitation, ni du hasard. Il sait
reconnaître le vrai du faux.
C’est donc à cet âge qu’apparaît la véritable fonction de communication des émotions.
Plus tard,
entre quatre et six mois tout le corps va participer à l'émotion.
Enfin,
entre neuf et douze mois, le bébé commence à saisir que les expressions faciales véhiculent des informations à propos du contexte. L'enfant va alors se fier à l'expression de sa mère pour explorer l'environnement.
« A la fin de sa première année l’enfant exploite la communication gestuelle pour apprendre
et orienter son comportement. »
c - Le calcul :
Jean William Fritz Piaget, et
Szeminska considéraient que le concept du nombre est acquis chez l'enfant vers 6 ou 7 ans, avec l'acquisition de la notion de conservation.
En 1992,
Karen Wynn a mis a point une procédure expérimentale reposant sur l’intérêt des bébés pour la nouveauté, le
paradigme d'habituation. Elle a ainsi pu montrer qu’aux environs de
quatre mois, ils montrent des
capacités numériques rudimentaires.
d - Les attitudes :
Vers
4 à 6 mois, le bébé repère les attitudes et
comportements qui diffèrent selon les personnes. Cette différenciation est la première étape de sa propre identification par rapport aux autres.
Il se montre ainsi capable de repérer les réactions émotionnelles avant même de reconnaître individuellement chaque personne.
Il apparaît en cela différent de l’adulte qui repère l’apparence avant l’expression émotionnelle.
Reconnaissance de la réaction émotionnelle. |
Reconnaissance des individus. |
A
8 mois, le nourrisson distingue les personnes familières des autres
Différenciation des familiers (parents) et des étrangers.
« A la naissance, le bébé possède tous les sens
qui permettent l’accès à la conscience. »
« De la naissance à un an, l’enfant découvre l’autre et l’imite. »
B – Un an à 6 ans :
a – Le temps :
Nous avons vu qu’avant un an, un enfant cherche un objet là où il se trouve au départ, même s'il a vu un expérimentateur le changer de place. Il reconnaît alors un objet
fixé dans l'instant présent : sa mémoire ne lui permet pas encore de situer cet objet disparu dans le passé.
C’est seulement
à partir d’un an qu’il va découvrir que le même objet peut changer de place. Il va ainsi apprendre que les choses ne sont pas immuables.
Il commence alors à corriger son erreur de localisation, ce qui correspond également à l'intégration d'une nouvelle donnée dans le fonctionnement cérébral :
la chronologie.
En effet, le changement de position d'un objet implique, en sus de l'intégration de la notion d'espace, celle de
la notion de temps. Il y a
avant, et après. Les deux ne sont pas identiques.
L'objet peut être là
ou ailleurs mais jamais en même temps là
et ailleurs. Entre les deux s'insère la mémoire de la place précédente de l'objet.
La mémoire qui se contentait jusque là de stocker les nouvelles informations, va désormais s’organiser pour
fixer dans une banque de données les événements ou objets qui n'existent plus dans le présent.
Une information perçue et fixée au départ (l'objet est sur la table) va être effacée tandis qu'une autre information, secondaire au départ (l'objet a été mis sur la chaise) va être renforcée.
La
mémoire commence à structurer le déroulement du temps : elle exprime un autre temps révolu qui n’est pas en contradiction avec le présent, mais
le complète.
Ce mécanisme montre l’apparition d’un
nouveau fonctionnement qui consiste à
inhiber une certitude (l’objet est là) pour la situer dans un autre temps (il était là) : cela correspond à un début de maturation du cortex préfrontal et à la structuration de sa mémoire qui passe du traitement analogique au traitement cognitif
[cf : Les prémices de la conscience / La mémoire].
Observation et mémorisation d'un objet.
Inhibition de l’ancienne image par le cortex frontal.
Structuration de la mémoire.
b – Le calcul :
Dans ce domaine, les performances s’accroissent, mais il commet encore des erreurs, comme confondre longueur et nombre lorsqu’il s’agit d’estimer une quantité.
Il estime qu’il y a plus de jetons dans la rangée la plus longue. |
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c - La différenciation et la conscience de soi :
Vers
18 mois, l'enfant est
capable de se distinguer des autres. Après avoir appris à reproduire leurs gestes et leur mode de communication, il découvre qu'
il peut aussi avoir une action sur son entourage.
Mais voyons plus en détail ce qui se passe durant cette période.
Avant la naissance, l’enfant avait une conscience
dépendante de ses seules perceptions : celles du contact tout d'abord, mais aussi celles du monde éloigné qui lui parvenait de l'extérieur de la paroi utérine (bruits digestifs) ou de l'extérieur du corps de sa mère (musique). Il avait ainsi appris à
différencier ce qui est agréable de ce qui est désagréable (une musique douce berce la mère et son enfant, des cris qui stressent la mère le perturbent lui aussi), mais ne lui avaient certainement
pas permis de comprendre leur origine.
L’ébauche de conscience développée au cours de la grossesse, à partir des quatre sens précédant l’usage de la vision, lui a forgé une personnalité archaïque dépendante de l'environnement proche.
Après la naissance, l’usage de
la vue va lui permettre de découvrir le monde à distance, et de
se structurer en se différenciant du monde environnant.
En effet, l’acquisition de la vision donne
le recul nécessaire à l’identification, et la coordination des différents sens va lui faire acquérir la conscience de son existence (il y a l’autre, je le vois, l’entends et peux le toucher, et il y a moi, je me ressens, je m’entends parler, et je peux me toucher).
18 mois marque une nouvelle étape dans le développement de l’enfant.
Si, avant 18 mois, il a appris à connaître ses parents, son identification personnelle n'est pas encore achevée.
Ainsi, les moins de 18 mois, placés devant un miroir, le touchent ou essaient de voir le personnage qui leur apparaît à travers la vitre. C’est au-delà de cet âge que l'enfant, après avoir saisi ce qu’est un miroir,
y reconnaît sa propre image.
Il a commencé par découvrir le monde environnant, puis découvert l'autre, et ce qui l’en différencie. Il se distingue désormais d’autrui:
son individualité se transforme en identité sociale.
Il franchit l’étape de la conscience de soi.
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« A 18 mois l'enfant possède tous les éléments
qui lui permettent d'assimiler l'apprentissage social. »
d - L'empathie :
14 à 18 mois :
Sa capacité d'imitation va se doubler d'une autre capacité, celle de ressentir ce que ressent l'autre : c'est ce que l'on appelle
l'empathie... L’enfant perçoit désormais cette nuance subtile : bien que les autres soient des personnes comme lui, elles sont différentes et
ne désirent pas forcément les mêmes choses.
C’est ainsi que, avant l’âge de 18 mois, si l’enfant pensait que ses parents ont les mêmes désirs et les mêmes goûts que lui, sa maturation sociale va maintenant lui permettre de leur offrir le mets qu’ils aiment, même si ce choix
ne correspond pas à ses propres goûts.
L’empathie remplace la résonance. En permettant à l’enfant de faire la distinction entre ce que les autres et lui-même ressentent, elle apparaît comme un
élément primordial de son développement.
Elle nécessite de se différencier d’autrui et révèle la conscience d’une
identité propre, différente de celle de l’autre. Ainsi, l'enfant est devenu capable de
percevoir la douleur de l'autre, mais
sans souffrir comme lui !
Ce que ressent l’autre et qu’il exprime par son attitude ou l’expression de son visage, va activer ses neurones miroirs et lui permettre de ressentir : geste et perception sont étroitement liés.
L'enfant possède maintenant ce lien que
beaucoup d’adultes ont perdu [cf : L'intuition].
Son cerveau (insula antérieure, et cortex cingulaire) réagit bien à la douleur d'autrui, mais il ne l’éprouve pas, ce qui apparaît en imagerie cérébrale où l’étendue des activations neuronales est moins importante dans le cas de l’empathie.
Perception de sa propre douleur. |
Perception de la douleur d’autrui. |
Avec l'empathie, tout un ensemble
d'émotions et de comportements sociaux se développe : réconfort, honte, fierté, aide, méfiance, culpabilité...Il indique la maturation des fonctions du
cortex frontal en relation avec l’environnement social.
Faculté importante pour la vie en milieu hostile, où il est nécessaire de
se protéger, l’empathie est tout aussi importante pour la vie en société, car elle conduit à
aider autrui.
Ce mécanisme va mettre
près de quatre ans à devenir fonctionnel. Durant cette période, l'enfant va
explorer sa relation à l'autre et affiner sa perception de l'intériorité d'autrui.
e - Les émotions :
La maturation des émotions se poursuit :
Vers
quatre à cinq ans, l’enfant sait qu'on peut ressentir des émotions et
ne pas les montrer ou, inversement qu’il peut être
trahi par l’expression de son visage.
Il passe alors de l'imitation des états mentaux à leur
manipulation.
En grandissant, il apprend à inhiber les réponses émotionnelles spontanées, et à devenir
moins naturel. Paradoxalement, plus il va enrichir ses capacités émotionnelles, moins il va partager ses émotions.
f - Le langage :
Nous avons vu qu’avant même de comprendre le langage abstrait, l'enfant est capable de comprendre le langage corporel. L'attitude générale et l’expression faciale apparaissent donc comme les premiers éléments de langage
avant que les mots ne viennent se substituer à l’image.
Nous savons également que l’effort d’attention ne peut être porté que sur un seul événement à la fois
[cf :le travail de la conscience durant l'éveil].
On peut donc déjà imaginer qu’avec l’apparition du langage verbal, l’enfant
pourrait oublier l’expression visuelle et, parfois, ne plus en tenir compte
[cf : L'intuition].
C’est ainsi que l’apprentissage du langage verbal pourrait être
le premier pas du petit homme vers la perte de la compréhension du langage corporel… comme, plus tard, l’adulte a pu perdre la compréhension de ses rêves
[cf : sommeil paradoxal et langage].
La joie perçue... |
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...peut être partagée. |
Si le visage qui exprime un sentiment procure une émotion similaire… |
…les mots établissent une distance entre l’expression et ce qui en est ressenti. |
Développement des capacités de l'enfant entre 0 et 6 ans.
C - 6 ans à 12 ans :
a - L'inhibition :
C'est alors qu'une nouvelle étape intervient dans le processus de développement de l'enfant, qui va lui permettre de
s'intégrer encore plus étroitement dans la famille humaine, ce qui aura des conséquences sur son développement individuel...
Durant cette période, son mode de fonctionnement individuel en relation avec l’environnement commence à être réprimé. L'âge «
de raison » se met en place.
D'une façon générale, et alors que, dans la période précédente, certaines zones du cortex s'amincissaient, dénotant la
suppression des cellules devenues inutiles, d'autres zones vont désormais
prédominer (cortex préfrontal) et s'épaissir.
C’est ainsi que l’on peut observer l’épaississement de la substance grise dans les zones dites «
associatives » du
cortex préfrontal, du cortex temporal supérieur et du cortex pariétal qui gèrent les
capacités cognitives supérieures.
Le cortex associatif est représenté par toutes les zones qui relient les aires spécialisées : langage, vision, motricité.
L'inhibition s'accentue avec l'adaptation sociale.
b - Les nombres :
- A
6 ans, l'enfant acquiert les nombres (selon Piaget) : il passe de la perception innée au
calcul abstrait.
Cette acquisition ne peut se faire sans inhibition : en effet, pour effectuer des mesures, l'enfant doit commencer par inhiber ses perceptions innées.
Les nombres, dans leur multiplicité, dissocient l'enfant de sa capacité naturelle à évaluer des quantités, capacité que nous retrouvons chez les peuples primitifs qui savent compter de un à trois, les nombres supérieurs se limitant à la notion «
beaucoup ».
La reconnaissance de l’environnement se perfectionne : l’enfant devient capable d'
inhiber les stratégies perceptives erronées, comme le fait de déduire qu’une rangée de jetons en contient plus si elle est plus longue.
Il reconnaît désormais que deux rangées contiennent le
même nombre de jetons même si elles sont de longueurs différentes. Il passe de l’ «
estimation » d’une valeur au «
calcul » de cette valeur.
Avant six ans : l’enfant estime qu’il y a plus de jetons dans la rangée du haut.
Après six ans : il détermine que les deux rangées comprennent le même nombre de jetons.
Il est intéressant de noter que l'acquisition de nombre précis se fait à l'âge dit « de raison », c’est-à-dire au moment où l'apprentissage social
commence à s’imposer, un apprentissage basé sur le
raisonnement logique et non sur la perception sensorielle.
On constate ainsi l’importance de la maturation du cortex préfrontal, siège de la logique et du contrôle des comportements pour repérer les erreurs et échapper à l’influence.
Aussi, n’est-il pas surprenant que cette
immaturité infantile du cerveau qui peut persister chez l'adulte soit utilisée par les commerçants qui proposent, par exemple, quatre chocolats dans une grande boîte (si la boite est grande il est évident qu’elle doit en contenir davantage !).
C'est également vers cet âge que l’enfant commence à
inhiber les croyances apparues au cours de la période précédente, comme la croyance au Père Noël.
L’existence d’une telle croyance indique que, déjà, la connaissance intuitive de l'enfant sur le monde a été modulée et orientée par les connaissances ou croyances des adultes.
Aussi, sa capacité à inhiber des stratégies erronées perceptives ou acquises peut s’avérer
néfaste lorsqu’elle est utilisée pour inhiber des stratégies innées efficaces (par exemple manger lorsque est perçue la sensation de faim) au profit de stratégies déterminées par une manipulation.
« Je mange parce que j’ai faim. » |
« Je mange parce que je suis au cinéma. » |
L'inhibition est donc en soi un dispositif favorisant une réaction donnée, mais il ne
sera positif que si l’information délivrée est
avérée, que si la perception sensible est
conservée et que si la capacité de choix est
préservée.
L’intelligence
ne peut s’exprimer correctement en dehors de ces critères.
Si ces critères sont respectés, ce mécanisme d'inhibition va permettre à l'enfant de pénétrer dans le monde social des adultes. L'apprentissage,
orienté spontanément par la curiosité et les découvertes quotidiennes, va progressivement être remplacé par l'apprentissage
dirigé.
« L’enfant est programmé pour la réalité.
L’acquisition du langage va élargir sa conscience,
mais les adultes vont-ils toujours lui transmettre des connaissances
basées sur la réalité? »
D - De 12 ans à l'âge adulte :
a - L'inhibition :
La tendance observée précédemment dans le développement du cerveau s’inverse : la substance grise s'amincit à présent dans les aires associatives : ce qui prime n’est plus tant le nombre de neurone (substance grise) que
les liens qui s’établissent entre eux (substance blanche)
Parallèlement, on observe une croissance continue du
cervelet qui intervient dans les apprentissages complexes.
La maturation du cortex préfrontal (dont nous avons vu qu'il sous-tend les processus de contrôle et d'inhibition) persiste jusqu'à l'âge adulte.
À partir de 12 ans, le traitement de l'information qui avait porté essentiellement sur des objets, va porter aussi sur des
idées, des hypothèses, des propositions logiques.
L’enfant pénètre de plus en plus profondément dans le monde de
l’abstraction : le monde concret exploré au cours de la petite enfance s'efface au profit des
élaborations mentales.
Il commence à utiliser le raisonnement hypothético déductif (« si »... « alors ») permis par les circuits de neurones localisés dans les région frontale et temporale : à partir d'une
hypothèse, il va pouvoir déduire un
nouveau comportement. Toutefois, si l'hypothèse est la condition « sine qua non » pour aboutir à une conclusion nouvelle, il est tout aussi indispensable qu'elle
n'entre pas en conflit avec la réalité objective qui caractérise le comportement de notre cerveau primitif.
Ainsi, chez l’adulte, on voit ce mécanisme d‘élaboration mentale évoluer et s’amplifier. Il est porté à son paroxysme et
peut devenir incontrôlable en dehors de toute pathologie cérébrale avérée, par exemple chez les traders qui calculent des bénéfices virtuels, en ayant perdu
tout sens de la réalité, qu’elle soit économique ou qu’elle dépende de leurs besoins réels.
Randonnées et préparatifs de voyages s'inscrivent dans la réalité .
La course à la satisfaction des besoins fictifs échappe à la réalité.
Développement des besoins de la naissance à l'âge adulte.
Par contre, au cours de leur maturation
physiologique, ces circuits de neurones s’organisent en conservant la possibilité de choix... Il va ainsi être possible de
choisir entre permission et inhibition, entre instinct et adaptation sociale, ou de
conjuguer tous ces paramètres.
Le fonctionnement de l’intelligence
ne peut être dissocié de ses supports physiques, tout comme il ne peut s’exercer
en dehors d’un environnement réel. L’intelligence a évolue en même temps que les cellules qui en sont à l'origine et que la matière qui lui sert de support.
Ainsi l’apprentissage va-t-il se faire non seulement le jour, mais également la nuit, par répétition et renforcement de l’apprentissage au cours de ces entraînements que constituent les rêves.
« La spontanéité qui découle de l’instinct
ne peut être remplacée par les seules élaborations mentales. »
« Spontanéité et élaborations mentales doivent fonctionner en parallèle. »
b - Importance du cortex frontal dans le développement de l’enfant :
Nous savons maintenant que certaines zones de l'espace de travail conscient sont très vite opérationnelles chez le nouveau-né. Par exemple,
dès l'âge de trois mois, son cortex préfrontal droit s'active lorsqu'il entend parler sa langue maternelle, tandis que d’autres groupes de cellules cérébrales réagissent à leur environnement et poursuivent leur maturation.
Déjà, « quelque chose en lui » qui nous échappe
s’intéresse à son environnement, peut l’explorer, le comprendre et l’exploiter.
Ainsi, même si elle ne s’exprime pas encore avec des mots
la conscience du nouveau-né semble-t-elle préexister au langage. On parle toutefois de mécanisme inconscient car les zones du langage élaboré ne permettent pas encore à l’enfant de restituer ce dont il a pu avoir conscience.
Au cours de cette maturation, le cortex frontal va jouer un rôle essentiel dans le contrôle du comportement de l’enfant pour son adaptation à la vie en société.
Actuellement, des chercheurs (université de Washington) ont pu établir des corrélations entre l’âge des individus, et la façon dont se répartit l’activité des neurones dans leur cerveau.
C’est ainsi que les connexions entre régions éloignées du cerveau augmentent, tandis que celles qui relient les régions voisines diminuent. C’est
aux environs de 22 ans que le cerveau présente l’organisation caractéristique d’un cerveau adulte.
Son organisation va déterminer l’installation de l’intégration sociale par renoncement aux prérogatives individuelles.
« Etre raisonnable, c’est être capable d’inhiber ses comportements spontanés. »
3 – Le développement du langage chez l'enfant :
(suite)