«Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre,
c’est regarder ensemble dans la même direction.»
Terre des hommes.
Antoine de Saint-Exupéry.




De la règle écrite
au sens moral vécu intérieurement
.





3 - L’évolution de la communication humaine :

A – L'importance des lois pour assurer la cohésion des peuples :

    Retrouvons l’évolution de la psyché humaine à travers les mythes du Moyen-Orient.
Si nous faisons abstraction de toutes les croyances qui se sont appuyées sur eux pour se créer une légitimité, ces mythes décrivent la vie de populations résidant dans cette région il y a plus de 2000 ans. On y découvre l’évolution de l’homme dans des sociétés qui avaient été réduites en esclavage et maintenues dans l’ignorance.

    Seul un chef qui a pu évoluer au sein d’une classe privilégiée peut ouvrir l’esprit d’un peuple.
Malheureusement, les conseils, même les plus judicieux, ne sont pas toujours suivis. C’est ainsi que l’on peut observer, aujourd’hui encore, des peuples qui subissent le bon vouloir de dirigeants dénués d’empathie comme de compassion. Ces derniers, certains de détenir la vérité, ignorent tout du monde extraordinaire qui les entoure, et ils insufflent à leurs peuples la certitude que seul un dirigeant au pouvoir absolu peut assurer leur avenir.
Ce dysfonctionnement humain est-il inévitable ?

    Nous avons pu voir comment le cerveau organise les fonctionnements rationnel et inconscient, ce qui les oppose, et les rend également complémentaires [cf : les caractéristiques de l'inconscient].
Nous pouvons retrouver ces mêmes interrelations dans les mythes.
Pour cela, nous allons en étudier certains qui sont devenus universels et qui décrivent la tentative d’évolution d’un groupe culturel et les fluctuations de cette évolution en fonction de la présence ou de l’absence d’une autorité reconnue.

    Le Décalogue ou la règle établie comme modèle de comportement :

    Les dix paroles de l’Ancien Testament (appelées également 10 commandements) sont reconnues comme des recommandations de Dieu [NdA] qui participe ainsi à la construction et la cohésion d’un groupe humain en interdisant tout acte qui porterait atteinte à la liberté et à la vie d’autrui.

    Elles se comprennent dans le contexte de l’Exode d’un peuple qui a attribué sa libération à la toute puissance de son dieu et qui a besoin d’un guide pour entendre la parole de ce dieu. Elles indiquent les conditions d’une vie qui doit se structurer autour d’un nouvel idéal élaboré durant une période d’esclavage.
La liberté retrouvée doit s’attacher au respect de l’autre (ne pas tuer, ne pas voler) et au respect du droit de la famille.

    Si ces règles imposent des contraintes nécessaires, elles sont bien souvent difficiles à mettre en pratique chez les individus qui ne se vivent pas encore comme membres d’une même communauté. Le sentiment d’aimer en toute liberté, à même de créer une relation forte entre les personnes n’est pas encore né.

Il faudra attendre des siècles, pour que ces dix paroles puissent se réduire à 2 exigences :
    - l’obéissance à un Dieu d’amour,
    - et l’amour de son prochain.
Si on suit le courant de l’évolution, avant que n’interviennent les règles de vie en collectivité, chacun (homme ou animal) s’adapte individuellement aux circonstances. La perception de l’environnement est plus importante pour la survie de chacun que la communication entre individus.

Comportements individuels.
Individu : perception sensible, et comportements individuels.

    Lorsque les individus vont constituer un groupe, la perception sensible immédiate va être supplantée par le langage pour gérer les comportements, organisés en dehors de toute connotation émotionnelle.

    En décrivant l’histoire de son évolution et de sa relation à son dieu, le peuple de Yahweh ne pouvait comprendre le pouvoir et les directives de celui-ci que par analogie avec le souverain régnant.

Obéissance aux règles.
Groupe : obéissance aux règles, et comportements collectifs.

Livre de l’Exode 20, 1-18 - les règles indispensables à la cohésion d’un groupe :


Exode 20 : 1
Et Dieu prononça toutes ces paroles, en disant :

    Ayant échappé à l’esclavage, l’individu peut maintenant écouter et exprimer librement ses sentiments et ses désirs.
    Toutefois, pour que ces anciens esclaves deviennent une vraie communauté, un langage commun n’est pas suffisant : des règles de conduite vont devoir s’imposer.

Esclaves.
Liens d’esclavage.

Ronde enfantine.
Liens de cœurs.





Exode 20 : 2
« Je suis Yahweh, ton dieu, qui t'ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ».

    Ces règles, seul un chef tout puissant est à même de les imposer. C’est donc à un dieu plus puissant que tous les précédents et auquel il attribue sa liberté nouvellement acquise que le peuple va faire confiance.
Ce dieu, pour marquer son autorité, indique tout d’abord à ses sujets qu’ils lui sont redevables de leur nouvelle condition.





Exode 20 : 3
« Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ».

    De plus, pour régner, ce chef ne peut être contesté et se doit d’être unique. L’individu n’a pas encore la possibilité de choisir librement sa propre vie, et il doit se conformer à des directives. Nous pourrions dire aujourd’hui qu’il n’a pas encore accédé à la démocratie où une majorité peut influer sur les décisions de l’autorité en place.
    On constate que, au cours de l’évolution, l’être vivant a dû abandonner une part de sa liberté pour se conformer à une autorité extérieure capable d’unifier les comportements des individus. En contrôlant ses pulsions, l’individu a réduit sa liberté, mais il y a gagné en force.

Soumission à Salmanasar.
Le premier pas vers l’adaptation sociale est la soumission à un chef.




Exode 20 : 4
« Tu ne te feras pas d'image taillée, ni aucune figure de ce qui est en haut dans le ciel, ou de ce qui est en bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre ».

    S’étant affirmé comme une autorité incontestable, et avant même que d’exprimer les règles indispensables assurant la cohésion d’une communauté, ce dieu désigne immédiatement la règle à laquelle nul ne peut déroger : seule la réalité doit être considérée. Les représentations qui découlent de l’imagination sont vaines.
Pour que l’évolution de l'homme se fasse de façon cohérente, seule la réalité perçue par les sens est importante.

    Ce faisant, ce dieu révèle un autre aspect de sa personnalité : en tant que moteur de l’évolution [cf : L'évolution des langages], il ne peut être figé dans des images immuables.
Il annonce avant tout qu’il appartient au monde de la perception sensible, et qu'il ne peut être perçu qu’au travers de la réalité du monde.

    C’est ainsi qu’en édictant des règles indispensables, il anticipe ici l’immaturité d’un peuple qui, en l’absence d’une autorité forte, pourrait se créer de fausses croyances et sombrer dans l’anarchie.
Toutefois, s’il exprime bien les lois de l’évolution [cf : sens moral], il les exprime par la parole, et il agit en souverain qui impose ses directives.

Monde vivant et monde figé.
        Il faudra attendre six siècles pour qu’un guide nouveau indique par des paraboles et un exemple vécu la conduite à tenir.





Exode 20 : 5
« Tu ne te prosterneras point devant elles et tu ne les serviras point. Car moi Yahweh, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la quatrième génération pour ceux qui me haïssent,

    Le monde que ce dieu a créé est un monde vivant. Il a été créé pour y vivre, et non pour adorer son créateur dans un lieu fermé.

Ouverture sur le monde.
Du vécu...

Enfermement dans la prière.
...à la prière.

    Un peuple qui a été uni dans l’esclavage peut éclater dans l’expression libre des désirs de chacun. En tant que moteur de l’évolution, ce dieu souverain définit ici les conditions de la vie et sa propre place aux commandes d’un peuple en mutation.
Ce dieu se révèle extrêmement humain.

    Tout d’abord, il ne se montre pas seulement jaloux au sens de victime d’un attachement pathologique à son peuple, sa jalousie marque aussi son inquiétude pour tout ce qui est contraire à la justice. En effet, l’évolution a sélectionné la sensibilité avant le langage comme moyen de communication, et cette sensibilité est éprise de justice [cf : Jugement moral et équité :]. Parfaitement adaptée à la réalité, elle prévient des dangers qui s’annoncent, des précautions à prendre. Ne pas l’écouter peut causer des souffrances terribles et durables.

    Après avoir vu l’obligation de ne tenir compte que du réel (vivre dans la réalité perçue par les sens et non dans l’imaginaire est une règle absolue), nous découvrons maintenant les conséquences de la désobéissance aux règles divines : les enfants subissent les conséquences du comportement de leurs parents.
De nos jours, les acquis de la psychologie nous montrent qu’un enfant qui a été maltraité peut agir de même avec ses propres enfants, le modèle pouvant se reproduire au fil des générations.
Cette transmission au fil des générations s’observe également au niveau des nations : l’absence de liberté et le refus de reconnaître l’autre se paye par des décennies de conflits chez les peuples colonisateurs.




Exode 20 : 6
et faisant miséricorde jusqu'à mille générations, pour ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements ».

    À l’opposé, faire confiance et aimer ressentir, soi-même, l’autre ou le monde environnant, amène tout naturellement à se conformer à des directives qui proposent un monde de paix.
Nous avons vu que l’exercice du sens moral est source de bien-être partagé.

La succession des générations.
Le mode de vie influe sur le devenir.




Exode 20 : 7
« Tu ne prendras point le nom de Yahweh, ton Dieu, en vain, car Yahweh ne laissera pas impuni celui qui prendra son nom en vain NdA».

    Se comparer à un dieu tout puissant et s’arroger ses pouvoirs signifie aussi que l’on a quitté sa place au sein de la vie. Celui qui dirige et ordonne avec des mots n’est pas celui qui ressent. Animé par un tel orgueil, il s’expose à une vie de malheurs.
Seule la vie, et l’Évolution qui détermine son cours, possèdent le pouvoir absolu.

On récolte ce que l'on a semé.
Le mode de vie influe sur le devenir.

    Si l’on s’appuie sur d’autres textes qui indiquent : « Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive », nous pouvons considérer que cette injonction a le même sens que celle qui exclut les images.
Après s’être attaché à la seule vérité, il s’agit d’assumer ses convictions en ne se cachant pas derrière une autorité reconnue.
Nous savons aujourd’hui que ce sont ses propres certitudes que le croyant prête à Dieu.




Exode 20 : 8
« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier ».

    Une fois énoncés les interdits absolus, le premier conseil prodigué est de ne pas oublier le repos indispensable : il est nécessaire car c’est le moment où le corps se régénère, et il est sacré car les sens, libérés alors de toute contrainte, peuvent enfin s’éveiller à la vie.





Exode 20 : 9
« Pendant six jours tu travailleras, et tu feras tout ton ouvrage ».

    Le travail demeure indispensable. Il s’agit d’agir en fonction des nécessités imposées par la vie (se nourrir) et de participer à la vie au sein du groupe qui protège et fait avancer dans la connaissance grâce au partage quotidien.





Exode 20 : 10
« Mais le septième jour est un sabbat consacré à Yahweh, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes ».

    Tu dois connaître tes limites, sans oublier pour autant le monde qui t’entoure.
Non seulement tu dois être conscient de toi-même et attentif à ce monde, mais dès lors que tu es membre d’une famille et d’une communauté, tu dois te mettre à l’écoute de tous.
    Pendant ce jour consacré à la vie, tu ne dois rien faire d’autre que ressentir ce monde vivant dans lequel tu es né, et qui t’offre tout ce dont tu as besoin pour vivre.




Exode 20 : 11
« Car pendant six jours Yahweh a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi Yahweh a béni le jour du sabbat et l'a sanctifié ».

    L’Évolution ne s’est pas faite autrement. Elle a œuvré longuement, et a intégré des pauses dans toutes les transformations qu’elle a initiées.
Ces périodes de repos, indispensables dans le cycle de vie de la nature, doivent donc être respectées.

    L’être humain, n’est plus solitaire. En devenant un être social, il doit adopter des conduites différentes de celles héritées de l’instinct individuel. Les rencontres et la communication entre individus ne peuvent se faire que si tous sont disponibles au même moment.




Exode 20 : 12
« Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés dans le pays que Yahweh, ton Dieu, te donne ».

    La génération passée t’a donné la vie, tout comme l’univers qui t’entoure. Elle t'a également donné tous les moyens de vivre heureux dans ce monde.
Ce passage vient compléter Exode 20, 5 : de même que les générations à venir sont toujours affectées par les comportements, l’état d’esprit d’un individu influe sur son avenir : honorer, c’est agir avec respect.

Suit alors un énoncé de règles qui s’adressent aux esprits encore immatures.




Exode 20 : 13
« Tu ne tueras point ».

    Les hommes, explorant leur toute nouvelle liberté, pourraient ne pas être conscients de l’engagement de leur responsabilité dans chacun de leurs actes et ignorer le respect dû au monde et à leurs semblables.




Exode 20 : 14
« Tu ne commettras point d'adultère ».

    Dans un monde où la force de l’homme lui donne le pouvoir, le respect de sa compagne est primordial. Dénuée de force physique, elle a préservé sa sensibilité et apporte avec elle une autre vision du monde.
Elle est le « deuxième cerveau » qui peut subvenir aux lacunes du cerveau masculin lorsqu’il s’agit d’agir autrement.

Obligation et compréhension dans l'éducation.




Exode 20 : 15
« Tu ne déroberas point ».

    Après le respect de l’autre, le respect de ses biens est tout aussi important. Dérober les biens d’un membre de la communauté a un prix : celui de perdre la confiance d’autrui, voire de se faire un ennemi.
Le dieu ne menace pas de punir, l’acte seul porte à conséquence.




Exode 20 : 16
« Tu ne porteras point de faux témoignages contre ton prochain ».

    Il est indispensable de respecter la vérité, indissociable de la reconnaissance de la réalité [cf : réalité et mensonge].




Exode 20 : 17
« Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui appartient à ton prochain ».

    Désirer sans cesse les biens d’autrui est un poison insidieux qui procure une insatisfaction permanente. L’esprit ne trouve jamais le repos alors que la paix intérieure est permanente si l’on sait se contenter d’aimer ce que l’on a.
    Aujourd'hui, cet enseignement pourrait être élargi à la convoitise et la conquête de territoires voisins, alors que le seul respect de l’autre génère la confiance, efface les frontières et favorise le partage des richesses pour le bien de tous.

« Une autorité forte et juste est indispensable
pour canaliser un peuple aux aspirations variables. »








B –L’évolution humaine, ses avancées et ses régressions : (Suite)


Bibliographie :