Préambule :
Ce travail est un essai qui propose une
explication simple aux multiples œuvres artistiques laissées par les hommes de la préhistoire de par le monde.
En effet, la compréhension des innombrables graphismes que nous ont laissés les hommes de la préhistoire se heurte à deux difficultés : si les sites où l’on retrouve ces œuvres sont datés, cet âge est parfois remis en question par des méthodes de datation plus récentes. C’est ainsi que ceux qui ont pu être datés par la méthode Uranium-Thorium ont vu leur âge repoussé de 10 000 ans par rapport à la méthode au carbone 14.
De plus, comment exploiter les multiples œuvres qui, dans un même lieu, se sont échelonnées sur de longues périodes et présentent des images et des styles bien différents selon l’époque et selon l’artiste qui les a produites ?
C’est pourquoi, pour comprendre ces œuvres, nous nous attacherons non au lieu qui les rassemble, mais
à l’évolution de leur style.
En raison de la complexité du sujet qui ne peut être traité que par des spécialistes, nous ne pourrons nous appuyer que sur peu d’exemples, avec de possibles erreurs.
Pour cela, cette étude ne doit pas être considérée comme un travail scientifique de référence, mais comme une
proposition nécessitant confirmation par les préhistoriens et linguistes.
3 – L’évolution de la communication par le graphisme – de l’art rupestre aux symboles écrits :
On peut supposer à juste titre que les peintures rupestres traduisent au départ une
vision du monde conforme à la réalité, comme on le constate dans le développement artistique de l’enfant. Mais il se trouve que, peu à peu, cette représentation du monde s’est faite à l’aide de symboles peints ou gravés
très différents de la réalité.
De l'image à son expression symbolique.
Pourquoi et comment s’est réalisée cette transformation de la représentation de la seule réalité à une représentation symbolique ?
Avant de pouvoir dater historiquement l’apparition des différentes écritures, les chercheurs estimaient que toute écriture provenait de l’ancien Sumer, en Mésopotamie. Cette théorie, considérait qu’à partir de cette origine, elle aurait évolué au fil des migrations, des besoins de communication des différentes populations et des besoins du commerce.
Aujourd’hui, les chercheurs admettent que l’écriture
s’est développée indépendamment dans quatre civilisations anciennes au moins: l
- la Mésopotamie, entre 3400 et 3100 ans av. J.-C.,
- l’Égypte, environ 3250 av. J.-C.,
- la Chine vers 1200 av. J.-C.
- et les zones de plaine du sud du Mexique et du Guatemala (vers 500 av. J.-C.).
En ce qui concerne la Mésopotamie et l’Égypte, malgré la proximité des territoires et des dates d’apparition de l’écriture, les historiens admettent aujourd’hui que les différences de structure et de style des écritures mésopotamienne et égyptienne suggèrent qu’elles se sont développé indépendamment l’une de l’autre. L’influence réciproque demeure possible, mais limitée.
En ce qui concerne la Chine, l’écriture ossécaille, utilisée du XV e au X e siècle av. J.-C. sur des os ou des écailles, apparaît comme une invention
totalement indépendante.
Pour suivre le cours possible de l’évolution de l’image vers l’écriture, nous ne tiendrons compte que de l’évolution progressive de l’image au sein même du graphisme, sans nous préoccuper de la datation ni du lieu où l’on a retrouvé cette image. En effet, l’évolution de ce graphisme
dépend avant tout de l’artiste, de ses capacités créatrices, et de son milieu culturel.
L'apparition de l'écriture.
« Les représentations rupestres, un art ou une écriture ? »
A - La transformation de la réalité – De la pensée à l’écriture :
a – La pensée symbolique :
Pour
Francesco d’Errico,
pensée symbolique et langage] sont inséparables pour assurer la transmission de ses pensées à des interlocuteurs multiples, y compris aux générations suivantes, ce que seul le langage peut faire. » La date de 40 000 ans a longtemps prévalu pour situer dans le temps l’émergence de cette forme de pensée.
Pourtant,
la pensée symbolique a émergé bien avant le langage,
avec l’apparition de la vision. En effet, il a fallu que les cellules cérébrales réceptionnent et interprètent certaines ondes électromagnétiques (devenues alors « visibles »), pour transformer l’objet extérieur en image, puis nommer cette image par les sons et les cris. Une autre adaptation a permis au cerveau, grâce à l’acquisition de l’habileté manuelle, de représenter l’objet symbolique présent dans l’imagerie mentale sur un support extérieur (communication par le dessin).
Objet réel et activité cérébrale (pensée symbolique)
Activité cérébrale motrice et dessin.
La pensée symbolique est donc cette activité cérébrale qui nous permet de nous représenter un être, un objet ou un fait
en dehors de sa présence. Présente dans le cerveau grâce à la vision, on peut déjà se permettre d’
attribuer cette capacité de codage de l’information à
tous les êtres vivants qui sont capables de voir, alors même qu’ils sont incapables de reproduire l’objet ou la fréquence sonore perçue en image sur un support. En effet, tout être vivant part de ce qu’il voit pour le transformer en réaction motrice, par exemple la chasse ou la fuite.
Vision.
Action motrice .
On peut donc objecter que si le langage permet de représenter la pensée symbolique et de la partager, cette dernière n’est pas directement à l’origine de l’éclosion du langage. D’autres facteurs sont en jeu comme la coopération au sein des espèces.
b - La parole, un système instantané de communication :
Succédant aux autres moyens de communication (gestuelle et expression des émotions), le langage articulé est
devenu indispensable au partage de la pensée symbolique, laquelle s’appuie essentiellement sur la reconnaissance visuelle des comportements (approche rassurante ou menaçante par exemple).
Ce langage s’appuie essentiellement sur deux de nos sens, la vision et l’ouïe.
Sa fonction peut être comparée à la fonction de la
mémoire vive d’un ordinateur qui permet de transmettre une information dont la durée de vie va être le plus souvent
limitée à l’échange en cours.
Le langage articulé, en tant qu’expression sonore, a pu d’abord informer d’un danger, puis transmettre les sentiments du locuteur. C’est ainsi que nous employons constamment des mots pour susciter en autrui un état d’âme semblable au nôtre, lui faire connaître nos perceptions, nos émotions, nos désirs ou nos ordres.
De plus,
nous faisons passer ainsi, outre des informations pratiques,
des connaissances et des idées qui, grâce à la mémorisation, vont se transmettre d’une génération à une autre et favoriser l’apprentissage. Loin de se figer, cette transmission orale des connaissances
va pouvoir évoluer au fil des générations.
c - L’écriture une mémoire qui résiste au temps :
Après le développement d’une syntaxe qui a permis au langage d’évoquer le passé, le futur, ou encore des scènes imaginaires, il restait à
fixer l’information afin de la transmettre vers des
environnements lointains, temporels ou spatiaux. C’est l’écriture qui a permis de développer cette nouvelle capacité.
Consistant en un codage du langage articulé, elle s’appuie essentiellement sur la vision et utilise, dans ses formes les plus évoluées, des symboles, signes ou lettres à même de représenter des mots et des phrases. Apparue il y a 5 à 6000 ans, elle s’exprime sous
trois formes : les hiéroglyphes, les idéogrammes et l’alphabet.
Elle peut être comparée à la
mémoire morte d’un ordinateur.
De plus, résistant au temps, la force de l’information écrite est de
conserver son intégrité au fil des générations. Toutefois,
elle peut être amenée à figer un apprentissage qui aurait naturellement évolué grâce à des apports nouveaux.
Alors que le cri exprime l’intensité de l’émotion vécue, le langage articulé va peu à peu perdre cette capacité en devenant capable d’informer de l’émotion vécue. C’est ainsi que dans toute guerre il y a ceux
qui vivent la guerre et les sentiments qui l’accompagnent, et ceux
qui savent qu’il y a une guerre sans pour autant se sentir concernés.
Emotion.
Information.
Jusqu’ici, le langage articulé avait permis à l’homme de poursuivre et
améliorer son intégration dans le monde. Aujourd’hui, étrangement, ce langage si performant
subit une altération. La pensée qui l’anime l’amène à l’inverse de ce pourquoi il s’était développé : fait pour informer de la réalité, il peut devenir aujourd’hui le
moteur de la désinformation.
C’est cette réalité que les représentations graphiques des premiers hommes traduisaient.
« Pour communiquer sa perception de la réalité,
la pensée
a débuté par l’expression vocale
pour se prolonger dans l’expression graphique. »
B – Par quels chemins le langage a-t-il évolué vers l’écriture ?
La parole étant volatile, les communautés humaines, dont la croissance imposait les échanges commerciaux, ont alors cherché à conserver l’information.
Si l’apparition de l’écriture est relativement récente, on ne peut cependant considérer qu’elle soit apparue brusquement. Par quoi a-t-elle été précédée ?
On constate alors que les images
sont apparues des dizaines de millénaires avant l’écriture, et que toutes deux ont
la même fonction :
décrire l’environnement ou décrire des situations vécues.
Ainsi, bien avant l’écriture, les outils puis le graphisme nous ont montré leur capacité à conserver l’information, au point que nous pouvons aujourd’hui en suivre l’évolution tout au long des ères géologiques. Aussi est-ce
grâce à leurs œuvres que les peuples qui nous ont précédés
nous parlent encore.
Voyons donc comment s’est fait
le passage du langage à l’écriture au cours des millénaires.
Pour cela, nous allons utiliser le système d’apprentissage et de compréhension dont est doté notre cerveau : le raisonnement analogique.
a – La réalité sans expression graphique :
Que nous montre la « réalité », c’est-à-dire ce que nous percevons de notre environnement grâce au travail travail extraordinaire exécuté par notre cerveau ?
Les scènes que nous observons paraissent simples. Elles dépendent pourtant de l’
action coordonnée de milliards de neurones. Certains réceptionnent des ondes, d’autres les trient en fonction de la forme ou de la couleur, d’autres enfin les réassemblent en image à deux puis trois dimensions.
Cependant,
cette image n’existe pas dans le cerveau. Seules des régions dans lesquelles s’activent des neurones peuvent être distinguées par électroencéphalogramme.
Au cours des temps reculés qui nous intéressent, l’image se construisait
tout comme aujourd’hui dans le cerveau de l’individu, qu’il soit animal ou humain, sous la forme d’une activité cérébrale : elle n’avait
pas besoin d’être reproduite sur un support car elle suffisait à une adaptation immédiate aux conditions environnementales.
Aujourd’hui, les animaux n’ont
pas besoin de dessiner ou écrire pour se souvenir des lieux propices, du chemin pour y parvenir, et pour partager une information. L’être humain, lui, a besoin d’images ou d’écriture, et il commence dès l’enfance alors que, tout comme l’animal, il sait seulement s’exprimer par des sons et des expressions corporelles.
b - L’apparition du dessin :
Les raisons qui ont poussé ces civilisations disparues à laisser une empreinte indélébile de leur passage ne seraient-elles pas
les mêmes que celles qui poussent l’enfant à essayer de représenter ce qu’il voit ?
Pourquoi l’enfant a-t-il besoin de tracer des traits sur une feuille, puis de dessiner ? En découvrir la raison permettrait peut-être de savoir pourquoi l’homme de la préhistoire a fait de même.
Le plus logique paraît alors de penser que ce dernier a simplement eu envie de dessiner le monde qui l’entourait. Les dessins d’enfants d’aujourd’hui sont remplis de
reproductions des choses et êtres qui l’entourent : maisons, voitures, famille...
Plus tard,
affirmer sa personnalité en marquant son territoire le pousse à « taguer » toute surface visible.
Comme c’est le cas aujourd’hui pour un adulte qui retrouve, sur un arbre, une gravure de l’époque de son adolescence, les hommes de la préhistoire ont pu aussi découvrir, alors qu’ils n’avaient pas encore de moyens d’information durable, qu’ils pouvaient utiliser la gravure pour transmettre les lieux de chasse ou de danger aux générations à venir.
Nombreuses sont les raisons qui ont pu amener l’homme à graver sur la pierre : occuper un moment d’oisiveté, se souvenir d’un événement important, et, plus tard, communiquer avec ses semblables en marquant son territoire.
Mais il est plus probable que les toutes premières images
n’aient jamais eu un but de communication. Comme on le constate chez les enfants,
la curiosité et la découverte des couleurs et du monde environnant a pu simplement donner envie à l’homme de représenter ce qu’il voyait.
Il a même pu s’agir d’
automatismes, tels que ceux qui poussent à dessiner sur le sable ou griffonner sur une feuille de papier tandis que nous téléphonons.
C’est bien plus tard, lorsque les groupes ont pris de l’importance, que la communication est devenue nécessaire. L’image figée a alors suivi l’essor des besoins.
Elle s’est peu à peu enrichie d’images différentes pour traduire des situations et des pensées différentes, aboutissant à une représentation de plus en plus poussée du réel.
Cette richesse apparaît dans l’ensemble des images qui précédent l’avènement des écritures.
Si l’on résume la situation, une chronologie générale de l’évolution de l’homme et de ses capacités créatrices a pu être inscrite dans la gravure ou le dessin au fil des centaines de milliers d’années, mais cette évolution générale masque l’évolution de la pensée créatrice,
une pensée qui diffère entre chaque groupe humain selon ses activités (chasse, élevage...), ses migrations, son environnement,
mais aussi entre chaque individu.
C’est donc
inspirés par l’évolution du dessin d’enfant que nous allons tenter de comprendre l’expression graphique des hommes qui nous ont précédés.
Ce faisant, et à défaut de savoir pourquoi l’homme de la préhistoire gravait ou dessinait, nous pouvons essayer de comprendre
comment son graphisme a évolué, et
saisir le développement de sa pensée au cours des millénaires où il a peu à peu compris l’importance des images pour communiquer son savoir.
En suivant l’évolution de l’habileté de ses mains nous découvrirons alors la façon dont son esprit interprétait le monde, depuis le gribouillage jusqu’à la découverte de la perspective.
Ses premières réalisations sont très anciennes et constituent ce que l’on nomme aujourd’hui
l’art rupestre et l’art pariétal.
Il va de soi qu’une telle proposition ne saurait avoir pour ambition de remettre en question les recherches en cours sur le sujet, mais elle pourrait suggérer une
interprétation simple aux créations de nos prédécesseurs, complétant ainsi l’éventail des
théories scientifiques.
c – Comment évoluent les dessins d’enfants ?
Pour mener à bien cette étude comparative, nous nous appuierons sur les travaux de
Georges-Henri Luquet (Le dessin enfantin, 1927), et
Jacqueline Royer (Que nous disent les dessins d’enfants ? 2005) pour évaluer la progression dans les représentations de Neandertal et Sapiens.
Nous laisserons ensuite aux chercheurs le soin de confirmer ou infirmer la validité de ce travail.
1 - Le dessin de l'enfant entre un et deux ans - la découverte :
A partir d’un an, armé d’un crayon, l’enfant part à la découverte de ses instruments, il commence à
gribouiller sur sa feuille. Quoi de plus magique que de voir des traits apparaître sur une feuille vierge. Cette découverte se complète par une découverte des couleurs.
Il ne sait pas encore tenir son crayon, mais il
apprend à contrôler les mouvements de sa main tandis que ses tracés vont progressivement devenir intentionnels.
Cette étape va durer jusqu’à l’âge de 3 ans.
(12 mois)
2 - Entre deux et trois ans - le réalisme fortuit :
Durant cette période, le trait part dans tous les sens.
L’enfant ne cherche pas à reproduire ou représenter quelque chose de réel.
Il explore les résultats obtenus avec les supports et différents outils et dont il dispose.
A partir de ces barbouillages, l’enfant va commencer à orienter son trait, réalisant des zig-zags, des lignes droites ou des arrondis. C’est à la suite de cette période d’expérimentation que le tracé de notre jeune chercheur
va prendre l’apparence d’un objet. Parmi ces traits variés, une forme reconnaissable peut apparaître constituant le
réalisme fortuit.
Lignes brisées.
Arrondis.
Yeux.
Progressivement, l’acte hasardeux va devenir intentionnel et représentatif. Le bonhomme têtard est esquissé.
3 - Entre trois et quatre ans :
C’est à cet âge que le « bonhomme têtard » apparaît vraiment.
L’enfant va commencer à représenter sa famille, indiquer quels en sont les membres et les distinguer en faisant
varier la taille de ses personnages.
(3 - 4 ans) Le bonhomme têtard selon J. Royer.
Vers trois ans il commence à contrôler ce qu’il fait et
parvient à recopier des formes simples.
C’est au cours de cette période qu’apparaissent aussi les premiers « bonhommes bâtons ».
4 - Entre quatre et cinq ans - le réalisme manqué :
Vers quatre ans,
le dessin devient narratif. On reconnait ce qu’il a voulu représenter et on devine une histoire.
Les visages deviennent expressifs.
En plus des cercles, l’enfant commence à tracer des rectangles et des triangles.
(5-6 ans) Le bonhomme selon J. Royer.
Il dessine en fonction de
ce qu’il connaît. Le personnage va être plus détaillé, avec des cheveux, un visage. Les proportions ne sont pas encore respectées : ce qui est important sera dessiné plus gros.
Tandis que son propre schéma corporel se précise, il complète le corps de ses personnages. De même
ses paysages s’enrichissent de fleurs, de châteaux, de personnages de ses contes de fées, et le ciel s’habille de soleil, d’étoiles et de nuages.
Il peut ainsi représenter le monde qui l’entoure aussi bien qu’un monde imaginaire.
5 - Entre 5 et 7 ans – le réalisme intellectuel :
L’enfant dessine toutes les formes qu’il connaît, délaissant ce qu’il voit, et sa technique s’enrichit.
Le schéma corporel de ses personnages est complet, le visage expressif. Il ajoute des détails dans son décor.
On constate qu’il utilise le dessin comme un moyen de communication et peut se servir des couleurs pour traduire des émotions.
(6 ans) Le bonhomme selon J. Royer.
6 - Entre 6 et 8 ans – le graphisme conventionnel :
Représentation de personnages pantins.
7 - Entre 7 et 9 ans – le réalisme visuel :
La tranche d’âge des 7-9 ans connait un bond significatif dans la
représentation réaliste des détails. L’enfant fait usage de la règle et de la gomme et habille ses personnages.
Il respecte les détails de décor et les
expressions émotionnelles qu’il a expérimentées (bouches rieuses, sourcils en colère...).
Le ciel se peuple de nuages et d’oiseaux, le sol, d’arbres et de fleurs.
Le dessin s’organise,
influencé par la vie sociale, la nature s’inscrit avec des plaines et des montagnes. Les voitures sont sur les routes et les feux de signalisation ne sont pas oubliés. Les avions volent dans le ciel, et ce qui a été oublié vient compléter les vides.
(10 ans).
8 - Entre 9 et 12 ans :
Les proportions sont respectées avec l’ajout de
perspectives simples.
À cet âge, l’enfant parvient à exprimer des idées et des émotions complexes dans ses dessins.
9 - Entre 12 et 13 ans - le stade critique :
L’influence sociale commence à
remplacer la spontanéité créatrice. L’enfant critique son œuvre, et peut être déçu par le résultat obtenu.
Ainsi, en découvrant le monde, l’enfant tente de communiquer ce qu’il voit.
Après avoir partagé par la parole et les attitudes, il utilise le dessin pour se souvenir et communiquer.
Cependant, si le dessin donne une vision satisfaisante de la réalité, il exprime mal les sentiments, et il peine à exprimer la richesse de la pensée. C’est l’apport social qui va permettre à l’enfant de rendre son dessin plus expressif.
Ce sont ces mêmes apports extérieurs, et en particulier l’école, qui lui permettront plus tard d’
acquérir l’écriture.
Ainsi, c’est en développant notre connaissance de l’enfant, et la façon dont son graphisme se transforme avec l’évolution de sa personnalité, que nous pourrons mieux comprendre l’évolution de l’homme et de son écriture au fil du temps.
En attendant, nous allons simplement essayer de
rapprocher un certain nombre de représentations rupestres ou pariétales avec les principales caractéristiques du dessin d’enfant.
« La manière dont le dessin d'enfant évolue
peut nous donner une indication sur l'évolution des représentations rupestres. »
d – La réalité décrite par les pétroglyphes :
Paléolithique inférieur (environ de – 800000 à – 300000)
Paléolithique moyen (environ de – 300000 à – 40000),
Paléolithique supérieur (environ de – 40000 à – 9500), apparition de l'art figuratif.
Mésolithique : -9600 à -6000
Néolithique : -6000à -2300 : Poteries
Âge du Bronze : -2300 à -800
Âge du Fer : -800 à -50
Antiquité : -50 à +500
Moyen Âge : 500 à 1500
Époque moderne : 1500 à 1789
Époque contemporaine : 1789 à nos jours
A quelle époque peut-on faire remonter la capacité des premiers hommes à fabriquer puis utiliser
des outils qui permettront plus tard la naissance de l’art rupestre?
Nous savons que les premiers outils sophistiqués, les
bifaces, sont apparus il y a 1,7 millions d’années, au paléolithique inférieur qui marque le début de l’
âge de la pierre. Ils marquent une étape importante dans l’évolution humaine, la capacité de modeler la roche
pour la transformer en objet utile : l’outil à usages multiples vient de naître.
Une fois la capacité de
donner forme à un objet acquise, l’homme était à même de
reproduire sur un support des éléments de son environnement puis de communiquer son savoir grâce à l’image produite sur un support.
Ces premiers outils nous donnent une indication de la période au cours de laquelle s’est
structurée la pensée humaine. Après être devenu capable d’utiliser des outils, l’homme est parvenu à les fabriquer : ce faisant, il a démontré sa capacité à
imaginer ce dont il allait avoir besoin.
Bien que ne faisant pas partie du langage, les bifaces préfigurent l’avancée de la pensée des premiers hommes et leur capacité à appréhender les formes pour modeler un objet.
Ainsi, après avoir créé l’outil et révélé sa fonction créatrice, c’est grâce à l’outil que le cerveau humain va révéler, par l’intermédiaire de la main, sa capacité « artistique ».
Que va faire l’homme avec ses outils ? La même chose que fait aujourd’hui un enfant avec les crayons qui lui sont fournis.
S’il n’a pas de crayons, c’est sur le sol meuble ou le sable qu’il trouvera son inspiration.
1 - L’art rupestre , semblable à un dessin d’enfant ?
L'expression « art rupestre » (du latin rupes, « roche ») désigne l'ensemble des œuvres réalisées par l'Homme
sur des rochers, le plus souvent à l’extérieur. On le distingue de l'art pariétal dont les œuvres sont réalisées
sur les parois de grottes (en intérieur), mais aussi de l'art mobilier (que l'on peut déplacer). La réalisation de ces œuvres n'est pas le fruit d'une population déterminée, elle apparaît
universelle.
Cet art préhistorique est caractérisé par l'utilisation de plusieurs techniques :
-
la gravure : les artistes martelaient un support rocheux avec une pierre dure (le percuteur), réalisant ce que l’on nomme
pétroglyphe.
Les premières manifestations datent de la fin du Paléolithique moyen (environ de – 300000 à – 40000 ans),
- la
peinture : les dessins étaient réalisés avec des poudres de couleur provenant de minéraux broyés. Avec un roseau ou un os creux, les poudres de couleur étaient soufflées après apposition des mains ou pour représenter des détails sur les dessins d’animaux.
Cet art figuratif se développe au début du Paléolithique supérieur (entre -45 000 à -30 000 ans)
Les gravures sur roche sont les plus anciennes représentations mises à jour. On doit toutefois considérer que si l’usage des couleurs existait à une époque aussi lointaine, ces couleurs ont pu être effacées au cours du temps.
Ce que l’on retiendra, c’est que les pétroglyphes constituent la mémoire la plus durable, et qu’en s’intéressant à une chronologie des images en fonction de leur maturité artistique, il est possible d’
évaluer l’évolution de chaque groupe culturel, ainsi que ses migrations.
Alors que la fabrication des bifaces peut être datée et leur utilité comprise, la naissance de l’art rupestre demeure plus obscure.
Dans la grotte de Daraki-Chattan, située dans le centre de l’Inde, l’activité des premiers hommes a été retrouvée dans les couches géologiques. Dans la première phase du Paléolithique inférieur, cette grotte a non seulement servi d’atelier de taille d’outils, mais elle recèle également le plus riche site à
cupules connu au monde. Ces cupules ainsi que des percuteurs en pierre provenant des différents niveaux fouillés sont considérés comme la preuve de l’existence de l’art dès le Paléolithique inférieur. Pourtant,
ils conservent toujours leurs secrets.
Tous les indices obtenus de nos jours montrent que le développement de la
cognition humaine et de ses productions artistiques avait été sous-estimé.
Cupules sur une paroi verticale en quartzite dans la grotte de Daraki-Chattan, Inde,
( Paléolithique inférieur)
Cet art rupestre est estimé dater de
plus de 290 000 ans avant notre ère.
Des réalisations semblables ont été mises au jour à la grotte d’Auditorium, à Bhimbetka, toujours en Inde.
Pétroglyphes de Bhimbetka (290 000 ans (peut-être -700 000 ans) avant notre ère.
Plus près de nous, un bloc d’ocre âgé de 75 000 ans retrouvé à Blombos, en Afrique du sud, présente des motifs géométriques gravés en forme de croisillons. Considérés eux aussi comme des représentations artistiques, ils pourraient néanmoins avoir la même signification que les traits tracés au crayon par un enfant de moins de deux ans.
Quadrillage gravé sur un bloc d’ocre à Blombos - Afrique du Sud (-70 000 ans).
Ayant compris la façon dont le dessin de l’enfant a évolué au cours de son apprentissage à la vie, comment allons-nous interpréter l’évolution du graphisme chez les espèces pré-humaines ?
Pour cela, nous allons oublier une chronologie liée à la datation des sites, et n’étudierons que l’évolution du graphisme seul. Ce dernier va alors prendre tout son sens en représentant la
maturité artistique d’un groupe humain
à une époque et en un lieu donné.
Il ne s’agit pas ici d’une évaluation de l’âge mental de l’artiste, mais de l’évaluation de son graphisme par comparaison avec l’évolution du graphisme de l’enfant.
En effet, dans le cas qui nous intéresse, les hommes de la préhistoire étaient des adultes aux capacités de survie en milieu naturel bien supérieures à nos propres capacités d’homme moderne.
Si l’on ne peut tirer pour l’instant de conclusions sur la raison d’être des cupules dont l’origine est trop ancienne, on peut toutefois
établir un parallèle entre certains pétroglyphes et les premières ébauches des dessins d’enfants. C’est donc à partir de ces graphismes que nous allons tenter de comprendre l’histoire de l’écriture et, peut-être, déterminer son origine..
C’est ainsi que
des graphismes tracés au doigt sur de la roche tendre pourraient constituer un point de départ. On les trouve dans la grotte française de la Roche-Cotard, et ils viennent d’être datés de plus de 57 000 ans. Neandertal en a été le dernier occupant.
Graphismes tracés au doigt sur une roche tendre.
Nous retrouvons ici des
tracés similaires réalisés sur le sable par un enfant et qui pourraient l’être par toute personne oisive sur une plage.
De plus, comme c’est le cas pour l’enfant de 1 à 3 ans qui barbouille sa feuille, Neandertal a pu « barbouiller » la paroi de sa grotte.
(Enfant de 1 à 3 ans)
D’autres gravures aux traits rectilignes ont, elles-aussi, pu être attribuées à Néandertal.
Dans la grotte de Gorham, située à l’est de Gibraltar, figure une gravure qui était
recouverte de sédiments contenant des outils
moustériens estimés à – 39 000 ans, à une époque où Neandertal était seul sur la péninsule hispanique.
Le tracé rectiligne pourrait suggérer un tracé de la main affirmé, mais, sur une roche dure, il est plus facile de tracer des lignes droites ou de suivre des lignes de failles préexistantes. La percussion est plus adaptée aux courbes comme nous le verrons plus loin avec des représentations plus élaborées.
(Enfant de 1 à 3 ans)
Gravures de Néandertaliens dans la grotte de Gorham,
Tracés rectilignes nécessitant un outil.
L’enfant s’exprime de manière identique, mais il a besoin d’un support malléable.
Des tracés plus fouillés datés du mésolithique (-9600 à -6000) dans les massifs gréseux du Bassin parisien sont eux-aussi considérés comme un « art schématique », mais le foisonnement des tracés
ne permet pas de déterminer des unités et leur relation, contrairement à l’art réaliste dont le style et le contenu sont caractérisés.
(Enfant de 1 à 3 ans)
Graphisme affirmé demeurant toutefois partiellement aléatoire.
Pétroglyphes mésolithiques des massifs gréseux du Bassin parisien.
Cela peut toutefois nous rappeler les tracés d’enfants entre deux et trois ans où, à partir des barbouillages,
l’enfant va commencer à orienter son trait, réalisant des zig-zags, des lignes droites ou des arrondis.
C’est ce que l’on retrouve dans l’abri de la roche aux sabots à Noisy-sur-Ecole (France) où
les tracés s’organisent.
(Enfant de 2 à 3 ans)
« Si l’on compare le dessin à l’écriture,
les traits sont l’équivalent de lettres qui ne s’assemblent pas encore pour former des mots. »
Ailleurs, la gravure filiforme dénote un contrôle assuré et
intentionnel.
(Enfant de 3 ans)
Peuple préhistorique Camuni, âge du fer – 1er millénaire av. J.-C
Dans le gisement tardenoisien du bois de Chinchy, une petite plaquette de schiste présente, sur une face, des traits, et sur l’autre, des tracés aléatoires qui ont pu être
interprétés comme une silhouette féminine, silhouette qui pourrait tout aussi bien constituer une
paréidolie.
Réalisme fortuit. (Enfant de 3 ans)
Chez l’enfant, Luquet nomme ce rapprochement entre un tracé hasardeux et l’apparence d’un objet, le stade du «
réalisme fortuit ».
Ainsi, dans la géode II du Bulou, il a été distingué un homme sans tête (a) et une femme (b) dans le quadrillage, mais l’ensemble
pourrait tout aussi bien représenter un poisson.
« Parfois, des traits s’assemblent, semblant créer des images,
tout comme des lettres peuvent s’assembler fortuitement
pour créer des mots. »
Au milieu de tous ces tracés,
des formes nouvelles surgissent comme dans la Niche des Cabanes », en Essonne (France).
Les lignes droites se courbent et s'allient à des parallèles pour évoquer un animal.
Réalisme manqué (Enfant de 4-5 ans)
Quadrillages mésolithiques et gravures récentes : étoile et animal ébauché.
« Des images encore imprécises surgissent,
comme, plus tard, le feront les mots écrits. »
Le dessin s’affine, et si certaines formes demeurent de nature obscure et sont qualifiées de symboliques, d’autres évoquent des animaux, comme ici un cervidé.
Nous sommes au stade de l’enfant de 4-5 ans :
l’acte intentionnel devient représentatif.
(Enfant de 4-5 ans)
Cervidé dans la grotte de Noisy sur Ecole (abri de la Ségognole-Seine-et-Marne, France)
« Lorsque les traits s’assemblent pour représenter un être connu,
le mot s'impose immédiatement à l’esprit : " cervidé ".
Un jour, ce mot dessiné s’écrira avec des idéogrammes puis des lettres. »
Toutefois, les représentations d’animaux dans les grottes ornées du massif de Fontainebleau demeurent rares.
Ailleurs, les cercles sont apparus et
ils se remplissent de détails, épousant les formes
du bonhomme têtard.
Bonhomme têtard (3 ans)
Pétroglyphe d’indiens Taïnos dans une grotte du parc national Los Haïtises (République dominicaine)
Culture disparue à l’arrivée de Christophe Colomb, en 1492.
Bonhomme bâton et triangles (4-5 ans).
Représentation de ce qui pourrait être un shaman tenant un
sistre (Forêt de Fontainebleau).
Bien que la dureté de la roche impose les tracés rectilignes ou impose d’en suivre les lignes naturelles,
la présence de ce personnage dénote l’aspect narratif du
glyphe.
On peut rapprocher cette image de figures similaires réalisées à une autre époque et en un autre lieu.
Bonhomme bâton (Enfant de 3-4 ans)
Pétroglyphes du désert de Gobi (-15,000 ans).
Oublions ici les extra terrestres de Roswell : nous avons seulement un
personnage pantin bien proportionné.
(Enfant de 6-8 ans).
Art rupestre de l'ancien Pérou (-6000 à -2000 ans)
C’est ainsi que, selon les régions, et à des époques très différentes, on retrouve des tracés similaires.
Ci-dessous, tout en conservant un tracé filiforme, le dessin représentatif
commence à s’enrichir de bandes verticales par martelage de la roche.
L'animal a un petit dont la robe affiche le même signe distinctif.
Acte intentionnel et représentatif (4-5 ans). On reconnaît le dessin.
Gravures rupestres d'Ouzbékistan datées du Mésolithique (-9600) à la fin du Moyen Âge (+1500)
Soudain, la scène ne représente plus seulement un être vivant, mais elle évoque une
scène de la vie quotidienne. L’artiste nous apprend qu’
il a domestiqué l’animal.
Dessin représentatif (4-5 ans).
Parc national de gobustan – Azerbaïdjan (-10 000 ans)
« Sous forme de dessin, des mots (cheval, cavalier) commencent à s’assembler,
esquissant une grammaire. »
De plus, cet artiste nous apprend qu'il possède
des outils élaborés pour rendre sa chasse plus efficace. L’expression de son langage graphique devient de plus en plus explicite. Des millénaires plus tard, nous demeurons
capables d’en saisir le sens général et de mettre des mots pour désigner ses représentations, même si nous n’accédons pas encore à l’histoire propre à l’artiste.
La chasse. Dessin narratif (4-5 ans)
Pétroglyphes dans le désert de Gobi
De simplement représentatif, le dessin est devenu narratif.
Désormais, l’homme n’est plus seul,
il fait partie d’une tribu et, tenant un enfant par la main,
il possède une famille – La conscience collective s’exprime désormais dans le graphisme. L’émotion pourrait bien commencer à s’exprimer dans l’œuvre, avec la
mise en avant du lien qui unit les êtres.
Dessin narratif (6-8 ans)
Sculpture sur pierre dans le parc national du Gobustan. Azerbaïdjan (-10 000 ans)
Le dessin narratif prend de l’ampleur. Tel la
photographie d’un moment de vie, on y découvre une scène de chasse ou, peut-être, des bergers et leur troupeau.
(Enfant de 8-12 ans)
The great hunt. Pétroglyphes dans le Nine Mile Canyon – Utah (+1000)
L’image ne se résume plus à désigner un personnage par un dessin ou un son articulé, équivalents de l’un de nos mots.
Une histoire émerge de cette image, celle d’un troupeau, de son berger et de gardiens armés ou de voleurs potentiels. Cette histoire peut être
racontée par chacun des participants selon sa place dans l’événement, et
chaque narration va renfermer sa part d’émotion, le plaisir de la vie partagée, ou la peur ressentie lors d’une attaque.
Comme toute aventure narrée lors d’une veillée familiale,
l’histoire appartient à celui qui s’exprime que ce soit par le langage articulé ou le dessin.
«Le dessin narratif est l’histoire que l’on raconte à ceux qui l’ont vécue,
ou qui peuvent la comprendre.»
Revisitons maintenant toutes ces gravures
sous le regard de l’enfant que nous avons été.
2 - Le lien avec le langage de l’enfant :
Si nous récapitulons l’évolution du graphisme, nous venons de voir que la dureté de la roche a d’abord imposé des traits simples se limitant aux
contours puis au
remplissage du personnage central.
Puis, les images simples qui possédaient chacune la même signification que l’un de nos mots (soleil, animal, homme, tribu...) se sont peu à peu
assemblées pour décrire un événement.
Cet événement pourrait se réduire à quelques « mots » : « le berger et son troupeau protégés par des gardiens armés » ; mais il peut aussi avoir la valeur d’une longue histoire qui s’appuie sur ce qui est la photographie d’un événement fixé sur la pierre. Ici, le langage
n’est pas construit à partir de signes juxtaposés comme nos langages écrits, mais comme un
événement global que chacun peut « lire » à sa manière selon qu’il est l’observateur de la scène, ou l’un des personnages présents (berger, sorcier, voleur ou gardien armé) qui raconte son vécu lors de cet événement.
Souvenons-nous du
langage des Aïbos.
Nous avons vu que
l’image réelle précéde le langage, le mot venant secondairement désigner l’image. Tout comme les animaux utilisent des sons pour décrire leur environnement ou exprimer ce qu’ils ressentent, il est probable que les hommes de la préhistoire avaient eux aussi des sons ou des mots (tout comme y sont parvenus les
Aïbos) pour désigner chaque élément de leur environnement et, plus tard, chaque objet dessiné : cheval, bison, lion, homme, arc, chevreuil…
L’image
montre l’objet ou la scène de la même manière que le mot nous permet d’
imaginer l’objet, et le langage de
visualiser la scène.
L'image : |
L'image : |
Le mot : « tambour. » |
Le langage : « Les hommes dansent au son du tambour. » |
« Le mot décrit de manière transitoire ce que l’on voit, l’image entretient le souvenir.
Précédent les mots écrits,
les dessins ont été les premiers symboles représentatifs du monde vivant et des situations vécues. »
Nous venons ainsi d’aborder un élément nouveau, celui du lien entre l’image et le mot, et c’est une fois encore le développement du
langage de l’enfant qui va nous indiquer comment les images ont peu à peu illustré les mots employés par les hommes pour évoquer le monde où ils vivaient.
Récapitulons le développement du langage du tout petit.
Nous savons que
dès la grossesse, le fœtus prend contact avec le langage. En effet, il peut entendre dès le sixième mois de grossesse. Même s’il ne peut comprendre le sens des sons et des mots qui lui parviennent,
il ressent ce qu’expriment les intonations…
C’est pourquoi, dès la naissance, le bébé confirme cet apprentissage par sa sensibilité à la prosodie, c’est-à-dire à l’intonation, à l’accentuation ou encore au rythme de la langue. Cependant, dans un premier temps,
il ne peut s’exprimer que par des sons pour partager ce qu’il ressent.
Puis
il gazouille et on ne le comprend pas toujours. Ce n’est qu’à partir de trois mois, qu’il commence à prononcer des
syllabes aléatoires qu’il maîtrisera à cinq mois.
Il faudra encore attendre huit à douze mois pour l’entendre prononcer son
premier mot. Ce sera bien souvent "maman" ou "papa", le mot qu’il aura entendu le plus fréquemment.
A partir d’un an, le tout-petit va prononcer des mots désignant des éléments de son environnement. A 18 mois, il en comprendra entre 65 et 110.
C’est alors que commencent les
associations de 2 mots ayant un sens, par exemple il demandera "où Papa ?",
L’enfant devient très bavard, aimant montrer l’étendue de son vocabulaire.
Au cours de sa deuxième année, il va décupler le nombre de mots acquis au cours de la première.
C’est vers 3 ans, que l'enfant parle vraiment, avec des phrases construites et la reprise d'expressions qu'il entend. Il a
acquis le langage.
Comment comprendre alors l’év
olution du graphisme à la lumière du
développement du langage de l’enfant ?
(Le dessin de l’homme de la préhistoire demeure incompréhensible).
De même, à 3 mois, l’enfant entraîne son organe de la parole, il remplit son environnement de son gazouillis que
personne ne comprend.
(Un graphisme incertain s’élabore, des formes construites apparaissent, et la première représentation compréhensible naît).
A 1 an, le langage de l’enfant se structure et il prononce son
premier mot.
(D’autres images compréhensibles apparaissent : « bouquetin », « chasseur ».
Toutefois le sens de l’image demeure incertain : bouquetin chassé ? ou bouquetin protégé d’un prédateur en approche ?).
A 18 mois, l’enfant
associe deux mots donnant plus de sens à son langage.
(Le dessin de l’homme de la préhistoire lui permet de développer l’histoire qu’il raconte).
A 3 ans, l’enfant nous raconte maintenant de
vraies histoires.
(Telle une photographie, le graphisme décrit un événement,
mais cet événement ne peut être vraiment compris que par celui qui l’a vécu).
A 4-5 ans, le langage de l’enfant lui permet de raconter une
histoire complexe, même si l’agencement des « mots » demeure encore
brouillé.
Les parents de l'enfant
le comprendront mieux que des étrangers à la famille.
3 - La possible apparition du comptage :
Si l’image a permis de traduire la pensée, elle a également participé au développement du calcul. En effet, comment calculer si l’on ne possède pas le moyen de faire référence à quelque chose de concret ? Les symboles graphiques ont fourni la
référence fixe indispensable.
Nous avons précédemment évoqué l’existence de signes indéchiffrables car semblant n’accompagner aucun objet reconnaissable, les cupules.
Quelques éléments de ce type ont toutefois été retrouvés dans l’abri du poisson qui se situe dans le vallon de Gorge d’Enfer, surplombant la rive droite de la Vézère (France).
En 1892, on y a découvert, sculpté au plafond de la voûte, un saumon "becquart" à la mâchoire retroussée, caractéristique du mâle. Daté de -25 000 ans, il serait l’une des premières représentations de poisson connue au monde.
On y remarque
5 points derrière l’ouïe, pouvant évoquer des cupules, et
7 barres verticales au dessus du corps qui peuvent être assimilées à un système de dénombrement.
On retrouve ce type d’encoches sur les
bâtons de comptage, système mnémonique destiné à enregistrer un nombre grâce à des entailles gravées sur un bâton en bois ou en os.
L'origine de cette technique remonte au paléolithique supérieur, et plusieurs exemples nous en sont parvenus :
- L’
os de Lebombo, un péroné de babouin, daté d’il y a plus de 40 000 ans AP, est le plus ancien témoin de l’activité de comptage de l’être humain.
Os de Lebombo.
- L’
os de Vestonice, daté d’il y a 30 000 ans a été découvert en 1937 en République Tchèque. Il s’agit d’un os de loup comportant 57 entailles.
Os de Vestonice.
- Parmi les plus célèbres bâtons de comptage, on peut citer les
os d’Ishango, découverts dans les années 50 au bord du lac Édouard au Congo. Ils présentent des séries d’encoches disposées par groupes distincts qui ont été l’objet de nombreuses interprétations.
Os d'Ishango - Museum des sciences naturelles de Belgique (-20.000 ans).
Des bâtons de ce type ont été
utilisés jusqu'à la fin du XIXe siècle (19ème siècle) pour enregistrer diverses transactions.
e - La réalité décrite par les peintures pariétales :
(bientôt)
Bibliographie :